Le Billet de Samantha n° 2 - Novembre 2005 |
Le Genre en question…
Il y a
quelques mois, je titrais mon premier billet Transgenre : « Ecoutons
nos cœurs ensemble… » Et je concluais par cette question :
« Et si
la compassion et la tolérance triomphaient enfin de l’exclusion et de
l’opprobre social ? »
A cet égard, tout indique sur le terrain qu’il reste énormément à faire.
La tolérance, même s’il paraît qu’elle est la charité de
l’intelligence… il va falloir aller la chercher.
Je le savais et il y a du travail probablement pour encore quelques
générations !
A notre humble place, nous allons essayer…et après nous, d’autres sauront
prendre le relais, je n’en doute pas.
En premier lieu, l’accueil chaleureux et sans réserve qui m’a été fait au
sein de Quazar m’a fait comprendre
que mon engagement pour le simple droit à vivre librement et sans contrainte
notre identité de genre, est le nôtre à tous, que l’on soit gay, lesbienne
ou transgenre.
Je reviendrai dans un autre billet, sur le triste et affligeant constat de la
situation médicale actuelle des personnes transgenre dans notre beau pays
libéral avancé.
Mais pour l’heure, j’ai envie d’exprimer ma révolte contre ce que je
vois, contre ce que je vis et qui fait monter en moi ce sentiment aigu
d’injustice et d’intolérance primaires à notre égard.
Un peu comme si la minorité de genre associée à une tare sociale, devait
systématiquement et discrètement être mise à l’écart, à l’abri du
regard d’un public appartenant à une majorité dite « normale ».
Dormez tranquilles braves gens…l’Etat et la science s’occupent des moutons
égarés. Etre différent, simplement différent, implique dans notre société
que l’on soit automatiquement inscrit dans les présupposés théoriques qui
font de toute différence inexpliquée une pathologie, un sujet d’études
approfondi et d’isolement discriminatoires.
D’où la création en France d’équipes centralisées dites
« officielles », qui, au prétexte de nous traiter avec plus
d’humanité et de « savoir-faire », élaborent de savantes
recherches sur nous, acquièrent de la compétence pour
leur sacro-sainte carrière en se nourrissant de notre mal-être et de nos
angoisses quotidiennes , nous dissèquent psychologiquement, fouillent nos vies
via des enquêtes auprès de l’entourage familial et de quartier, furètent
jusqu’aux tréfonds de nos âmes pour décider au terme de plusieurs années
d’un interminable protocole arbitrairement établi par des sommités de la
science, et répondre à la question fatidique qui déterminera notre droit à
vivre ou non : « Sommes-nous
ou non des personnes souffrant de dysphorie de genre ! »
Comme si nous devions solliciter à genoux un droit divin accordé à de simples
humains appelés « experts » pour avoir le droit pourtant
inaliénable, de vivre notre genre psychique… !
-
Savez-vous que selon le protocole officiel, il est plutôt de bon aloi
d’avoir fait au moins une tentative de suicide ?? Cela fait plus sérieux
et accorde quelques points favorables à notre dossier de demande d’admission
vers une vie meilleure… !
-
Savez-vous qu’il est très convenable et plutôt bien noté de ne s’être
jamais servi de son sexe par la masturbation et surtout de n’avoir jamais
fricoté avec une personne du sexe opposé ? Comme si une dysphorie de
genre interdisait à la personne d’être lesbienne ou gay !
Toute cette déplorable mise en scène qu’ils appellent protocole, vise
bien évidemment à briser la vie de 96% des personnes ayant une dysphorie de
genre, recalées par ledit protocole, après avoir accepté sagement et
civiquement de passer par la voie dite « légale »… Ce n’est
rien moins qu’une atteinte grave au code déontologique et au plus
élémentaire droit à la vie, librement déterminé pour chaque être humain.
D’un point de vue social, on fait tout pour mettre le plus de distance
possible entre nous et le grand public qui, mal informé et au-delà même
d’une éventuelle transphobie sous-jacente, ressent à notre égard un
sentiment de malaise et de rejet, à l’instar de toute personne dont on dirait
qu’elle a fait l’objet d’un long internement chez les fous…et pour
cause !
-
Pourquoi les transsexuelles qui n’ont souvent d’autre choix intime
pour accepter leur condition que d’aller jusqu’à la réassignation
sexuelle, ne seraient-elles que de grandes malades assignées à un interminable
parcours de suivi psychothérapique aux yeux des grandes théories
médicales ?
-
Au nom de quel droit supérieur, les soi-disants experts s’arrogent-t-il
la suprême ignominie de faire de nous des sujets déviants donc malades ?
-
Quand cessera-t-on de nous priver de Notre
Vérité, qui est notre droit intime et divin à notre différence de
genre ?
-
Pourquoi les experts s’approprient-ils notre différence et
l’interprètent-ils en se répandant en affirmations erronées dans leurs
ouvrages malsains devenus références pour le grand public ?
Au passage ils entretiennent leur compte en banque sur notre dos tandis
que notre condition reste épouvantablement dramatique… !
Parlez mesdames et messieurs les savants, écrivez, répandez les idées
reçues, étalez vos fausses vérités sur les plateaux des chaînes TV, et
surtout faites en sorte qu’il ne nous soit pas permis d’opposer la moindre
contradiction à vos consternants monologues médiatisés… Il
en restera toujours quelque chose !
Qu’on ne s’y trompe pas : Le Genre est un thème qui nous concerne
tous.
Les gays et les lesbiennes n’oublient certainement pas que la façon dont la
transsexualité est enchaînée,
verrouillée, pour ne pas dire prise en otage par les experts de certaines
sectes médicales et psychiatriques, eux-mêmes complices, conditionnés et
dirigés par un Etat cyclopéen qui ne souhaiterait voir qu’une tête dans les
rangs de ses sujets pour faire plus politiquement correct, est l’exact
reflet de ce qu’ils vivaient il n’y a pas si longtemps encore (1973,
suppression de l’homosexualité de la liste des maladies mentales élaborée
par l’Association américaine de psychiatrie.) C’est à l’issue d’un
long et difficile combat qu’ils ont réussi à se débarrasser de cette
domination oppressive.
Et même si les gays et les lesbiennes n’ont pas besoin d’hormonothérapie
ou de réassignation sexuelle pour vivre harmonieusement leur vie, tous
partagent une histoire commune avec les transsexuelles : celle d’avoir
été et d’être vus encore comme des individus mentalement dérangés,
dérangeants et qui doivent être soignés.
Notre action militante n’a pas d’autre choix que d’être mise en commun
face à l’oppression et à la mise en marge de la société, pour un jour
enfin, réduire les effets néfastes de la discrimination, de la violence et de
la stigmatisation homophobe et transphobe, briser les préjugés de ce monde
insoucieux, pernicieux dans ses arcanes scientifiques et administratifs.
Plus que jamais, j’ai envie de crier à ceux qui nous gouvernent et à ceux
qui prétendent savoir et vouloir nous « soigner » en dépit du bon
sens : « Ecoutez nos cœurs ! »
« Le bon combat est celui qui est engagé au nom de nos rêves. » (Paulo Coelho)
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© Samantha Paul,
le 1er Novembre 2005 - Tous droits réservés ETT37