Le Billet de Samantha n° 7 - Avril 2006

ETT37   


Voici un extrait du papier que j’écrivais après avoir participé à ma

1ère marche LGBT du 12 juin 2004 à Strasbourg : 

Ma première marche de la Visibilité ! 

«  Ses malheurs n’avaient point abattu sa fierté… »
Jean Racine

 

C’est le moment incroyable et tant attendu !
Me voilà enfin rendue devant le char « Support Transgenre Strasbourg » aux couleurs chamarrées, les flancs agrémentés de ballons multicolores, et tapissés de slogans magnifiant la fierté transgenre.
Transgenres MTF, FTM, et sympathisants sont là, tous ensembles réunis pour vivre à l’unisson un moment unique.
Mon cœur bat la chamade ! Il bat émotionnellement très fort car je me sais enfin au cœur de l’action pour la toute première fois de ma vie.  

Après tant d’années d’incoercibles phobies, me voilà enfin auprès de mes consoeurs, filles de l’ombre et de la réclusion sociale.
Je ne peux à cet instant réprimer une pensée pour cette pénible et interminable irrésolution qui a précédé ma présence en ce lieu. 
Depuis tant et tant d’années, j’ai désespérément tergiversé, avant de conclure à cette heureuse décision qui me libère enfin du douloureux carcan de l’irrationnelle appréhension.
Ma rassurante pénombre m’accompagnait depuis si longtemps, que je m’en étais presque fait une compagne.  

En dépit de mon récent coming out, je reste encore un peu secrète. 
« La clarté reste encore trop violente pour moi. La foule de surcroît me terrorise : je suis agoraphobe ! Je ne suis pas prête encore… » 
Autant d’excuses que je m’accordais volontiers pour différer cette année encore, une envie d’exister que je persiste à toujours réprimer…
Alors, je me demande encore quelle mouche m’a piquée lorsque j’ai confié timidement à mon amie Cornelia ma tentation de -peut-être- la rejoindre près du char STS à Strasbourg, pour, moi aussi, exprimer ma fierté, dire que je veux, moi aussi, exister !
Il me faut certes encore me motiver mentalement, je le sens bien…mais c’est décidé, j’y vais ! 
Rien ne peut plus me faire changer d’avis, nonobstant mes réticences résiduelles. 

Je lance un regard panoramique et imperceptiblement fiévreux autour de moi. 
Devant moi, de nombreux chars chamarrés et bruyants, entourés d’innombrables personnes parées pour beaucoup, de leurs plus beaux atours. 
Derrière, le même spectacle étonnant s’offre à mes yeux ! 
Latéralement, la foule de spectateurs venus assister à ce théâtre ambulant, chatoyant et plein de jolies promesses. 
Ils sont apparemment souriants et avenants. Un public somme toute bon enfant.  

Tandis que progresse la colonne, de nombreuses personnes surgissent de toutes parts pour se joindre par grappes, au cortège qui s’allonge à l’infini me semble t-il.
Voilà deux heures que nous marchons dans les rues de la ville, aux rythmes festifs des sonos diffusant alternativement slogans et musique retentissante. 
Je me sens parfaitement intégrée à ce cortège. Je suis infiniment en symbiose avec cette quête de reconnaissance que véhicule tout ce petit monde défilant dignement. 
Ces personnes ne méritent pas cette inconcevable et méprisable vindicte sociale !  

Je m’emplis les poumons et le cœur de cet immense espoir que chacune de nous caresse, en faveur d’un mieux être à venir dans une société plus évoluée, plus ouverte, plus généreuse...
Ce monde évolue mais il se doit de progresser encore dans la voie de la tolérance. 
Toutes ces personnes mises au ban de la société, sont étonnamment touchantes de solidarité et d’authenticité. Ensembles, elles avancent à cœur ouvert…et délivrent un extraordinaire message d’amour. 
En retour, elles appellent de tous leurs vœux un peu de compréhension pour leur spécificité de genre, et de reconnaissance pour les êtres humains qu’elles se sentent, à l’instar du reste du monde supposé conforme à « la norme sociale ».
 

Quel plus beau credo que celui-là ? 

Chacune de ces personnes mérite bien de vivre sa vie librement, sans honte et sans crainte pour son intégrité physique et morale !
La diversité des genres devrait être reconnue comme un incontournable enrichissement de l’espèce humaine.
Près de mes consoeurs, je vis intensément ces inoubliables heures de marche. 
Une immense émotion prenant éperdument la couleur du partage, de l’amour et de la  fierté. 

Une magnifique parade qui trouve son épilogue dans un sympathique brouhaha, Place de la Gare, où les associations LGBT, s’activent depuis leurs stands respectifs, à renseigner les nombreuses personnes présentes, en quête d’éclaircissements ou d’informations complémentaires. 

De tout mon être je me sens heureuse, et j’ai le sentiment profond d’avoir acquis quelque chose de rare. Quoi ? Je ne sais précisément l’expliciter. 
Un sentiment confus de n’être plus tout a fait la même personne qu’au départ de cette marche…
Sans doute, avec mes copines transgenre, venons-nous de conquérir bravement, auprès de plusieurs milliers de participants…quelques années de visibilité ! 

Je suis convaincue qu’en étant chaque année plus nombreuses à renforcer notre visibilité, moins nous marginaliserons notre différence et plus nous la banaliserons au regard de l’autre.  

A mon instar, de nombreuses consoeurs transgenre diffèrent invariablement à l’année suivante, leur hypothétique participation à une « Marche de la Visibilité ».
Puissent-elles enfin ne plus hésiter à s’associer à une telle manifestation, qui leur donnera l’occasion de s’affirmer pleinement pour peut-être un jour, oser enfin mettre un terme à leur exclusion sociale. 

Alors, personnes transgenre MTF & FTM, si le cœur vous en dit, je vous encourage positivement à contacter votre Association Transgenre pour participer… 

Ensemble, plus nombreuses, « Fières et Libres ! » 

Marche LGBT à Angers : Samedi 13 mai 2006 

Marche LGBT à Tours   : Samedi 20 mai 2006 

Renseignements : 06 71 00 25 58 

Rejoignez-nous ! 

 

_______________________________________________________________________________________________
© Samantha Paul, le 1er Avril 2006 - Tous droits réservés ETT37