Le Billet de Samantha n° 14bis - Avril 2007

ETT37   


COMMUNIQUE

 

Il n'y a pas que nos corps qui nous appartiennent !
Les transgenre de France exigent tous leurs droits égaux, pas l'aumône

Il circule depuis peu en France un « manifeste pour les droits des personnes trans » appelé « Mon corps m'appartient ». Manifeste à la recherche de signatures, et dont on n'a pour l'instant pas sollicité la nôtre, mais qui circule déjà sur des listes de diffusion publiques, et dont nous apprenons l'existence par hasard.

À la lecture de ce « manifeste », nous nous rendons compte qu'il ne formule de revendications précises que dans le domaine des « soins » médicaux et de la santé mentale, domaines qui semblent être la grande préoccupation des personnes qui l'ont rédigé, et qu'il ne fait qu'effleurer des domaines aussi importants mais disparates que le
juridique et les media, en occultant complètement d'autres domaines (p.ex. l'Éducation et l'Emploi). Et qu'il fait en somme appel aux « bonnes volontés » de quelques acteurs imposés de nos vies transgenre.

Nous voilà perplexes : les personnes transgenre de France ne subiraient-elles donc que ces discriminations-là dans leurs vies ? Et suffirait-il de quelques bonnes volontés pour balayer tout cela et transformer nos vies en paradis ? Nous pensions ce stade de lutte-là dépassé depuis au moins septembre 2004, date à laquelle un premier contact direct entre les groupes transgenre de France et l'État Français a eu lieu.

Bien sûr que la pathologisation de nos vies que l'État Français nous impose depuis des dizaines d'années, tous gouvernements confondus, est une discrimination importante, bien sûr que les papiers d'identité que l'État Français nous refuse depuis autant de temps sont un handicap majeur dans nos vies sociales et civiques, bien sûr que la transphobie éhontée dont font preuve tous les jours les media français est une infamie indigne d'un pays qui se veut civilisé et démocratique, et bien sûr que nous ne sommes pas disposéEs à subir tout cela encore plus longtemps.

Mais nos vies de transgenre ne sont pas faites que de ces discriminations-là, et nous en connaissons la raison : la discrimination quotidienne et omniprésente que vivent les personnes transgenre en France découle en tout premier lieu de la transphobie manifeste et délibérée que l'État Français pratique et entretient depuis au moins cinquante ans, quel que soit le gouvernement au pouvoir. C'est bien l'État Français qui impose qu'on nous considère et (mal)traite comme des « malades mentaux », c'est bien l'État Français qui impose que sa Justice nous traite avec mépris et nous refuse nos droits civiques, et c'est encore l'État Français qui laisse impunément faire la Haine de la Différence et la transphobie dans les media, y compris ceux qui lui appartiennent. Ne nous trompons pas d'adversaire: les responsables de tout cela ne sont pas quelques subalternes de mauvaise volonté, c'est bien l'État lui-même, selon sa propre volonté et celle de tous ses gouvernements successifs, sans exception.

Nous savons aussi de longue expérience que ce n'est pas en en appelant à la bonne volonté de quelques médecins, juristes et journalistes (bonne volonté qui reste d'ailleurs à prouver) qu'on fera changer cet état des choses. Ce type d'appel à l'aumône, on l'a vu échouer maintes fois ces vingt dernières années, sans le moindre résultat positif tangible pour les personnes transgenre de France.

Soyons bien clairEs : ce ne sont pas juste quelques poignées de personnes que nous mettons en cause, ni juste quelques poignées de personnes qui sauront changer notre situation, mais c'est un Système discriminatoire entier, construit et entretenu intentionnellement depuis des décennies, qui est à mettre en question dans sa totalité, et à abolir d'urgence, afin que Justice et Égalité soient faites.

Afin que les personnes transgenre de France puissent elles aussi enfin jouir de leurs pleins droits, théoriquement garantis par la Loi mais bafoués tous les jours en pratique. Car le Système en place bafoue ouvertement la Constitution en vigueur de la République Française : la France « pays des Droits de l'Homme »? Assurément pas quand on est transgenre, tous/-tes les transgenre de France peuvent en témoigner. Et ce Système comprend bien plus que juste les domaines médical, juridique et médiatique. Et ce Système ne sera jamais inquiété par des appels à bonne volonté, mais uniquement par l'action concrète sur le terrain, par la lutte sociale pour nos droits égaux, telle que nous, signataires, la pratiquons depuis des années.

Oui, nos corps nous appartiennent, c'est même une évidence, mais nos droits égaux, _tous_ nos droits égaux, nous appartiennent aussi, et ils comprennent beaucoup plus que juste nos corps, à savoir toute notre vie sociale et civique. Et nous n'obtiendrons que ce pour quoi nous lutterons, qu'il y ait de bonnes volontés pour nous soutenir ou non. Nous répondons donc à ce « manifeste » en reprenant ici les revendications que nous avons formulées dès de 20 novembre 2006, à l'occasion du TDoR (la Journée Internationale à la Mémoire des Personnes Transgenre Assassinées), dans notre « Lettre ouverte à l'État Français, et notamment à ses administrations sanitaires et médicales » en réponse à l'imposture montée ce même jour-là par la Haute Autorité de la Santé.

Et nous invitons les auteurs/-trices de ce « manifeste » à joindre nos revendications à leur texte et à rechercher le consensus chez les acteurs/-trices de la militance transgenre de France, car les bonnes volontés nous sont évidemment bienvenues, bien que nous les trouvions insuffisantes en l'occurrence :

Au nom des victimes transgenre, et au nom de toutes les personnes transgenre qui vivent ici et maintenant dans la souffrance sociale et l'exclusion, nous exigeons d'urgence de l'État Français :

- de cesser immédiatement toute tentative de psychiatrisation imposée, en toute illégalité, aux personnes transgenre, ainsi que d'abolir dès maintenant tous les prétendus « protocoles » médicaux ou « standards de 
soins » imposés à leur encontre ;

- de poursuivre pénalement tout abus, autant psychique que physique ou sexuel, commis par un médecin lors de soi-disant « expertises » de personnes transgenre, p.ex. lors de leur procédure de changement d'état civil, expertises dépourvues de tout fondement légal de surcroît ;

- de garantir le libre choix de nos médecins, tel que défini par la Loi en vigueur ;

- de garantir l'application du remboursement croisé des soins entre l'étranger et la France, tel que défini par la Loi en vigueur ;

- de décréter le changement du numéro de Sécurité Sociale sur simple demande, afin de ne plus exclure les personnes transgenre du marché de l'Emploi ;

- de décréter, pour la même raison, le changement d'état civil sur simple auto déclaration auprès de l'Administration, sans procédures médicales ou juridiques imposées, procédures contraires aux Droits de l'Homme ;

- de prendre, en collaboration avec les groupes d'entraide transgenre de France, des mesures de formation des professions médicales et paramédicales à l'accueil compétent et respectueux des personnes transgenre ;

- d'instaurer enfin une vraie collaboration entre autorités et groupes d'entraide transgenre, et ceci directement au niveau ministériel, pas à des niveaux subalternes ;

- de mettre enfin en place une vraie politique de prévention de la Haine de la Différence, contre la transphobie autant que contre l'homophobie, afin que cessent les agressions et assassinats de personnes transgenre et homosexuelles.

Il y va de la santé et de la vie de bon nombre de citoyenNEs. Il y va du respect de la déontologie médicale, actuellement bafouée très régulièrement dès qu'il s'agit de personnes transgenre. Il y va de la lutte contre l'exclusion dont nos éluEs parlent tant sans pourtant agir.

Et il y va aussi de la crédibilité d'un État qui se veut républicain et qui se proclame « pays des Droits de 
l'Homme » : ces droits commencent par le droit des citoyenNEs à l'autodétermination, et par la protection, et non pas discrimination, de toutes les minorités sociales.

Mesdames et messieurs les ministres, éluEs et fonctionnaires, assumez les responsabilités de vos fonctions ! La Loi vous oblige à rendre des comptes aux citoyenNEs, et les citoyenNEs vous jugeront sur vos actes.


Le 31 mars 2007

Entraide Transgenre Tours (http://ett37.free.fr)
Support Transgenre Strasbourg (www.sts67.org)
Trans Aide (www.trans-aide.com)

                                                        

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© Samantha Paul, le 1er Avril 2007 - Tous droits réservés ETT37