Le Billet de Samantha n° 19 – Octobre 2008 |
À TOI … un an déjà
« Le peu que j’ai appris, c’est que les hommes vivent des passions extraordinaires et des chagrins inoubliables. Ils sont mortels, mais le monde autour d’eux, quoi qu’ils fassent, continue d’exister. Ce qui reste au bout du compte, c’est leur courage à vivre en sachant qu’ils vont mourir et leur fidélité à ce que, malgré eux, ils ont vécu. Là est leur grandeur : ils sont condamnés à aimer ce qui doit disparaître. Et ils aspirent quand même à être heureux. Pour des retrouvailles futures ? Je ne sais pas. En fait, j’ai plus d’espérance que de foi. Ce que je crois vraiment, c’est que tout ce que j’ai connu de meilleur est en moi, et que je l’emporterai pour toujours de l’autre côté du temps, afin d’en faire présent à ceux qui, je l’espère, m’y attendent. » Christian SIGNOL
Un an déjà. Tu mettais fin à tes
jours. Je pense à toi.
Je souhaite simplement, par ce billet anniversaire, citer un mail que j’avais
adressé à la communauté transgenre via le groupe de discussion de STS :
« Juste
un petit retour sur le décès d’une Trans’ dans la région Centre (je lui dédie
la Majuscule qu’elle mérite et à laquelle elle n’a pas eu droit ici-bas).
D’abord pour remercier Cornelia d’avoir bien voulu relayer cette triste
nouvelle à ma place.
Elle l’a fait comme d’habitude avec la générosité qu’on lui connaît,
dans son style toujours aussi disponible et volontariste. Qu’elle en soit
remerciée
Merci de tout cœur à Anne Sophie et Ester dont la réaction spontanée et
pleine de compassion est en harmonie avec ce qui justifie l’existence même
d’Entraide Transgenre Tours.
Je
voulais juste exprimer en quelques mots les sentiments qui m’ont motivée à
l’occasion de ce dramatique événement pour ETT, mais pas seulement...
Deux sentiments opposés mais complémentaires en l’occurrence, ont
légitimé cette lettre : Le chagrin et la colère.
L’expression du chagrin par l’écriture est un exutoire ; je ne saurais
le vivre autrement.
La colère : Non dirigée vers l’autre mais contre moi.
C’est le sentiment dévolu à ceux qui restent à la suite d’un geste fatal tel
que le suicide.
Geste brutal qui interroge nécessairement.
·
Ai-je
bien fait ?
·
Ai-je
bien exprimé clairement ?
·
Ai-je
fait assez ?
·
Ai-je
été assez présente ?
·
Ai-je
bien répondu à ses questionnements ?
·
A
l’expression de ses profondes attentes ?
·
Suis-je
apte à continuer cette mission d’accompagnement ?
·
En
aurai-je encore la force ?
·
En
un mot : A quoi tout cela sert-il ? Autant de questions qui font débat
dans un cœur affligé, mortifié par la brutalité d’un tel dénouement.
Autant
de réponses qu’à ce jour je n’ai pas de façon formelle et définitive, en
dépit des mots de celles et ceux qui ont cherché à m’enlever toute idée de
culpabilisation.
Pour avoir été moi-même un jour
sur le fil ténu de la vie, je prends conscience de tout ce que j’aurais laissé
de lourd à porter à celle qui m’a patiemment aidée…
Je souhaite ajouter ceci : Pour avoir longuement échangé avec cette jeune fille, elle était bien trop discrète et bien trop loin de toute acrimonie à l’égard de l’autre pour qu’on brandisse en son nom l’étendard de la discrimination transphobe.
Elle
n’aurait surtout
pas souhaité
qu’on la pose en victime de la transphobie ordinaire, même si notre
sensibilité transidentitaire pourrait nous rapprocher très fort d’un
sentiment opposé.
Chacun de nous se trouve seul pour affronter cette tragédie ultime qu’est la
mort.
Ayons simplement de temps en temps une pensée pour cette consœur, tant il est vrai que la mort est devenue sujet tabou au point de n’en plus parler qu’à mots couverts comme d’une maladie honteuse et même si presque plus personne ne porte plus le deuil… »
« Et les larmes me sont venues, et ton nom s’est pris
dans ma gorge… »
Daniel Pennac
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© Samantha Paul, le 1er Octobre 2008 - Tous droits réservés
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