Le Billet de Samantha n° 19 – Octobre 2008

ETT37   


À TOI … un an déjà

 

« Le peu que j’ai appris, c’est que les hommes vivent des passions extraordinaires et des chagrins inoubliables. Ils sont mortels, mais le monde autour d’eux, quoi qu’ils fassent, continue d’exister. Ce qui reste au bout du compte, c’est leur courage à vivre en sachant qu’ils vont mourir et leur fidélité à ce que, malgré eux, ils ont vécu. Là est leur grandeur : ils sont condamnés à aimer ce qui doit disparaître. Et ils aspirent quand même à être heureux. Pour des retrouvailles futures ? Je ne sais pas. En fait, j’ai plus d’espérance que de foi. Ce que je crois vraiment, c’est que tout ce que j’ai connu de meilleur est en moi, et que je l’emporterai pour toujours de l’autre côté du temps, afin d’en faire présent à ceux qui, je l’espère, m’y attendent. »  Christian SIGNOL

Un an déjà. Tu mettais fin à tes jours. Je pense à toi.
Je souhaite simplement, par ce billet anniversaire, citer un mail que j’avais adressé à la communauté transgenre via le groupe de discussion de STS :
 

« Juste un petit retour sur le décès d’une Trans’ dans la région Centre (je lui dédie la Majuscule qu’elle mérite et à laquelle elle n’a pas eu droit ici-bas).
D’abord pour remercier Cornelia d’avoir bien voulu relayer cette triste nouvelle à ma place. 
Elle l’a fait comme d’habitude avec la générosité qu’on lui connaît, dans son style toujours aussi disponible et volontariste. Qu’elle en soit remerciée

Merci de tout cœur à Anne Sophie et Ester dont la réaction spontanée et pleine de compassion est en harmonie avec ce qui justifie l’existence même d’Entraide Transgenre Tours.

Je voulais juste exprimer en quelques mots les sentiments qui m’ont motivée à l’occasion de ce dramatique événement pour ETT, mais pas seulement...
Deux sentiments opposés mais complémentaires en l’occurrence, ont  légitimé cette lettre : Le chagrin et la colère.
L’expression du chagrin par l’écriture est un exutoire ; je ne saurais le vivre autrement.
La colère : Non dirigée vers l’autre mais contre moi. 
C’est le sentiment dévolu à ceux qui restent à la suite d’un geste fatal tel que le suicide. 
Geste brutal qui interroge nécessairement. 

      ·          Ai-je bien fait ? 
      ·          Ai-je bien exprimé clairement ? 
      ·          Ai-je fait assez ? 
      ·          Ai-je été assez présente ? 
      ·          Ai-je bien répondu à ses questionnements ?
      ·          A l’expression de ses profondes attentes ? 
      ·          Suis-je apte à continuer cette mission d’accompagnement ? 
      ·          En aurai-je encore la force ? 
      ·          En un mot : A quoi tout cela sert-il ? Autant de questions qui font débat dans un cœur affligé, mortifié par la brutalité d’un tel dénouement.
 Autant de réponses qu’à ce jour je n’ai pas de façon formelle et définitive, en dépit des mots de celles et ceux qui ont cherché à m’enlever toute idée de culpabilisation. 

 Pour avoir été moi-même un jour sur le fil ténu de la vie, je prends conscience de tout ce que j’aurais laissé de lourd à porter à celle qui m’a patiemment aidée…

Je souhaite ajouter ceci : Pour avoir longuement échangé avec cette jeune fille, elle était bien trop discrète et bien trop loin de toute acrimonie à l’égard de l’autre pour qu’on brandisse en son nom l’étendard de la discrimination transphobe.

Elle n’aurait surtout pas souhaité qu’on la pose en victime de la transphobie ordinaire, même si notre sensibilité transidentitaire pourrait nous rapprocher très fort d’un sentiment opposé. 
Chacun de nous se trouve seul pour affronter cette tragédie ultime qu’est la mort.

Ayons simplement de temps en temps une pensée pour cette consœur, tant il est vrai que la mort est devenue sujet tabou au point de n’en plus parler qu’à mots couverts comme d’une maladie honteuse et même si presque plus personne ne porte plus le deuil… »

 

« Et les larmes me sont venues, et ton nom s’est pris dans ma gorge… »
                                                                                         Daniel Pennac

                                                       

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© Samantha Paul, le 1er Octobre 2008 - Tous droits réservés ETT37