Le Billet de Samantha n° 22 – Mars 2009 |
« Alerte, Trans aux mains d’un psy transphobe… » (Sic)
Ce titre à sensation, précédait un mail reçu par
ETT le 22 février 2009, à l’instar d’autres groupes Transgenre !
Origine : LGP région Centre – Espace LGBT de Touraine, signé du
« Référent de la commission Homophobie et respect des
droits » :
« Je
me permets de faire ce courriel commun afin de vous parler d'un coup de fil que
je viens de recevoir.
S., un trans que nous suivons depuis des années, est actuellement en clinique
psychiatrique.
Il s'agit de la clinique X, à E. (37).
Elle y est "suivie" par le docteur X, qui veut lui faire abandonner sa
transition.
Voilà ce que S. m'a rapporté : Ce docteur veut lui faire arrêter sa
transition, arrêter ses hormones, et même lui couper les cheveux comme un
homme, car comme il a dit, en substance "vous êtes un homme, être une
femme c'est un fantasme, vous avez le corps et la corpulence d'un homme".
Il est clair que cela va à l'encontre des intérêts et de la volonté de S.
Je vous contacte afin de savoir quel moyen je peux employer pour aider S, pour qu'elle ne se laisse pas faire, et qu'elle puisse continuer sa transition.
Salutations
solidaires. »
Ma
réponse…
« J'attire votre attention sur le fait que je suis un peu partie prenante
dans le cas de S. que je connais et que j’ai eu l’occasion d’aider il y a
quelques années. De surcroît, ce n'est pas en alertant toutes les groupes
trans qu'on arrivera à quelque chose. Ce qui se passe est à priori assez grave
et risque largement de dépasser le cas de S. et de porter préjudice à
d'autres trans.
Veuillez demander instamment à S. de me contacter d'URGENCE.
J'en ai un peu assez des interférences malheureuses dans les affaires Trans. »
Samantha
Leur
réponse…
« J'ai essayé de limiter au maximum les interférences : en début d'après-midi,
j'ai contacté tout de suite les membres de mon CA ainsi que plusieurs
organismes trans (dont ETT) afin d'obtenir des informations sur ce qu'il était
possible de faire. Je vous fais confiance pour aider S. »
Voila…
la confiance retrouvée ! On revendique le suivi des Trans et à la première
difficulté on se défausse sur les groupes Trans soudainement devenus
salutaires…
Ma
réponse…
« En arrosant les groupes Trans avec un titre choc du genre "alerte
trans aux mains d'un psy transphobe" vous prenez le risque d'allumer un
incendie et tout un réseau d'interférences dont vous ne maitrisez pas les conséquences.
Je ne vois pas à cet égard où vous
avez limité les interférences…
Le cas de S. n'est en l'occurrence pas seul en cause et je vous le répète, ça
peut provoquer de graves retombées sur de nombreuses autres trans. Alors
excusez-moi, mais aider S., oui bien sûr, mais c'est d'abord aux conséquences
collatérales que je pense. J'espère que vous en prenez conscience. Suivre une
Trans c'est aussi et surtout parfois agir dans la discrétion.
N'oubliez jamais que la Transphobie et d'abord d'ETAT, et que nos transitions se
font très souvent dans la clandestinité.
J'attends l’appel de S.
Samantha »
Ma
réponse finale…
J'ai eu S. au téléphone. Comme je le craignais de sa part et en dépit de mes
recommandations maintes fois réitérées, elle a communiqué le nom du Dr qui
lui prescrit son traitement hormonal. Charmant! Pour un tel acte irresponsable
ce médecin qui est pour un grand nombre de trans leur seul espoir, risque des
sanctions avec les conséquences malheureuses que chacun peut imaginer, pour
autant que ce psy le dénonce. Espérons
seulement qu'il n'ira pas jusque-là. [..]
S. m’a indiqué qu’elle avait pris rendez-vous à l'hôpital F. avec un psy
d'Etat" (équipes officielles région Parisienne). Plus transphobe que ça
on ne trouve pas. Il y a 3 ou 4 ans de cela je lui avais expliqué en long et en
large pourquoi il fallait les éviter comme la peste ajoutée au choléra. Ils
les font mariner entre 3 et 5 ans sous suivi psy (sans traitement hormonal bien
sûr) pour annoncer finalement à 95% des candidates au nirvana que c'est non,
qu'elles ne sont pas trans et qu'elle aillent se faire sentir ailleurs… Ce
matin elle s'est contentée de me dire "quand tu m'as dit ça je l'avais
bien retenu, mais là j'ai oublié, j'ai pensé qu'ils allaient m'opérer
!" Je me demande bien quel gros con lui a soufflé ça car quelqu’un le
lui a suggéré c'est certain...
Quand à son histoire de psy qui "veut lui couper les cheveux"
(pourquoi pas aussi un brushing et une couleur), il lui a simplement suggéré
de se les faire couper par son coiffeur… toute petite nuance… [..]
Je ne peux ni ne veux "acheter la clientèle" de quiconque.
S. a fait et fait ce qu'elle veut y compris les pires choix pour elle…. [..]
Elle a préféré être "suivie" par une association gay. Pourvu
qu'elle y trouve son compte, pourquoi pas. Je pense pour ma part qu'elle est
dans l'erreur pour sa transition sauf à y trouver sans doute un peu de chaleur
humaine, ce qui est bien mais ne saurait lui suffire. [..]
Si
je peux vous demander à l'avenir de ne pas ameuter la terre entière surtout
que certaines associations trans sont prêtes à bondir sur tout ce qui bouge au
nom d'une transphobie qui n'est pas forcément là où on la pense… particulièrement
lorsque les propos sont rapportés par S.
Apprenez que ce qui lui a été dit, lui est dit depuis vingt ans par nombre de
personnes différentes. Et c'est dit quotidiennement à des centaines de
transgenre.
Voyez-vous à l'horizon l'ombre d'une protestation anti transphobes de la part
des LGBT ? [..]
A
propos, je vous précise qu'on ne dit pas comme dans votre mail initial en
parlant d'une MTF : UN trans, mais UNE trans. Vu par certaines trans c'est déjà le début d'une
transphobie.
On a du travail !!! »
Mon
commentaire :
On peut s’interroger :
Aux
deux premières questions, je crois volontiers à l’intelligence du cœur de
tout(e) militant(e) engagé(e) dans la défense des droits LGBT.
Je ne doute pas de l’excellente bonne volonté de certains de nos confrères.
Pour
la troisième, je ne crois pas aux vertus des fausses bonnes idées laissant
augurer quelque arrière-pensée fumeuse telle que la tentation d’intégrer
dans les rangs LGB quelques « Trans de service » aux fins
discutables de simplement justifier Le T de l’acronyme…
Voila
pourquoi il est urgent de faire comprendre à certains que si de nombreuses
valeurs nous rassemblent notamment autour des droits des minorités visibles, il
en est qu’il convient de dissocier ABSOLUMENT de nos actions
respectives.
Le
dilettantisme n’a pas sa place dans nos transitions.
Que
des LGP comptent dans leurs rangs des « adhérent(es) » Trangenre
s’acquittant d’une carte annuelle de membre solidaire, rien là qui ne soit
honorable.
C’est la liberté de chacun(e).
Mais
qu’il leur vienne la sotte idée de prendre le risque insensé de « suivre »
une transition Trans en nous court-circuitant intentionnellement, il y a un pas
démesuré que je les exhorte à ne pas franchir !!
Par le clientélisme coupable du cas ci-dessus on a démontré ses limites ;
on a dépassé son niveau de compétences et on a pris l’énorme responsabilité
de mettre en danger une Transgenre en la laissant, sans ciller, prendre
rendez-vous avec une « équipe officielle ».
« Je
vous contacte afin de savoir quel moyen je peux employer pour aider S, pour
qu'elle ne se laisse pas faire, et qu'elle puisse continuer sa transition. »
…nous
demande-t-on.
J’ai
envie de répondre : « J’ai le plus grand respect pour vos
engagements militants, mais le meilleur service que vous puissiez lui rendre est
de cesser de jouer les apprentis sorciers et de laisser le délicat suivi
Transgenre aux groupes Transgenre.
C’est déjà assez difficile pour nous…
Car leur laisser accroire que vous savez les accompagner dans leur transition,
plus qu’une erreur, c’est une faute ».
S.
est sortie des méchantes griffes du psy « transphobe », qui, du
haut de son incompétence, plus que de sa transphobie, renouvellera ses propos
à bien d’autres.
En fait, ils sont tellement démunis face à la transidentité qu’ils préfèrent
nier notre réalité. Nous n’existons pas, nous errons dans les limbes…
ils ne nous voient pas.
In
fine, S. a toujours ses cheveux, et si elle se les faisait couper nonobstant, ce
serait de son plein gré. Son traitement hormonal n’est pas suspendu, elle
n’ira pas se faire détruire dans les équipes officielles…
Je
serais tellement rassurée que cette navrante histoire serve de leçon à
d’autres LGP régionales chez qui –par extraordinaire- naîtrait de
semblables desseins chimériques et irresponsables.
Puissent-elles s’abstenir de se distraire avec nos transitions.
Nous sommes suffisamment empêtrées dans les méandres d’incompétences
notoires à tous les niveaux de décisions sans encore nous en rajouter, si
bonnes soient les volontés.
Merci
de l’attention qu’on aura bien voulu porter à mes propos, fussent-ils
difficiles à entendre par certains.
Et si on les prend mal, tant pis : Je plaide-là le simple bon sens dans
l’intérêt de tous, et prioritairement celui des trangenre.
« Salutations
solidaires. » m’écrit-on…
J’ai
sollicité il y a trois ans le soutien d’une LGP : lettre morte… rêve
fêlé.
De ce jour, mes brillantes certitudes liées aux valeurs émotionnellement
fortes du mot « solidarité »
ont été sérieusement écornées.
J’aimerais tant que ce mot ne soit pas confiné dans d’inconsistantes
formules de politesses, et qu’il puisse au contraire s’exprimer résolument
dans les circonstances où le besoin est vraiment prégnant.
A cet égard, mon rêve s’est interrompu au bord de ma tristesse…
Cordialement,
Samantha.
Simple bénévole Transgenre de la région Centre.
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© Samantha Paul, le 1er Mars 2009 - Tous droits réservés
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