Le Billet de Samantha n° 27 – Août 2009 |
Coming out … Une larme et un peu de
tendresse.
« Tu n’as qu’à regarder les gens qui t’aiment.
En les regardant dans les yeux, tu verras comment ils te voient.
C’est tout ce qu’on a besoin de savoir sur soi-même. »
Armistead MAUPIN
*****
Mes
lectures de cet été m’ont menée à San Francisco. J’y ai suivi avec énormément
de plaisir cette saga dont l’action se situe au dernier quart du siècle
dernier, en pleine période de libération sexuelle. Michael, jeune homosexuel,
et les autres habitants de la pension tenue par Mme Madrigal, transgenre, se côtoient
dans une joyeuse insouciance, mais aussi et surtout dans une infinie tolérance
partagée…
Michael se décide enfin à écrire à ses parents :
Lu dans « Nouvelles chroniques de San Francisco » d’Armistead MAUPIN
« Chère Maman,
Pardonne-moi d’avoir mis tant de temps à vous écrire. Chaque fois que
j’essaie, je me rends compte que je ne vous dis pas ce que j’ai sur le cœur.
Ce ne serait pas grave si je vous aimais moins que je ne vous aime, mais vous êtes
toujours mes parents et je suis toujours votre fils. J’ai des amis qui pensent
que je commets une folie en vous écrivant ceci. J’espère qu’ils se
trompent. J’espère que leurs doutes viennent de ce que leurs parents les
aimaient moins que les miens ne m’aiment. J’espère surtout que vous y
verrez un geste d’amour de ma part, le signe que j’ai toujours besoin de
vous faire partager ce que je vis.
Je suppose que je ne vous aurais pas écrit si vous ne m’aviez pas parlé de
votre participation à la campagne « protégeons nos enfants ».
C’est cela, plus que tout autre chose, qui m’a fait prendre conscience que
je devais vous dire la vérité : que votre propre fils est homosexuel et
que je n’ai jamais eu besoin d’être protégé de quoi que ce soit, hormis
de la cruelle et ignorante piété de gens comme Anita.
Je suis désolé, maman. Non pas d’être ce que je suis, mais de ce que tu
dois éprouver en ce moment. Je sais ce que c’est, car j’ai subi ce
sentiment pendant la plus grande partie de ma vie. Répugnance, honte, incompréhension,
rejet dû à la crainte de quelque chose que je savais, même enfant, faire
partie de moi au même titre que la couleur de mes yeux.
Non, maman, je n’ai pas été « recruté ». il n’y a pas eu de
vieil homosexuel pour me servir de guide. Mais, tu sais quoi ? J’aurais
bien aimé. J’aurais aimé que quelqu’un de plus âgé et de plus avisé que
les gens d’Orlando me prenne à part et me dise : « Il n’y a
rien de mal à ce que tu es, petit. Tu pourras devenir docteur ou professeur,
exactement comme n’importe qui d’autre. Tu n’es ni fou, ni malade, ni
dangereux. Tu peux réussir, trouver le bonheur et la paix avec des amis
–toutes sortes d’amis- qui se ficheront éperdument de savoir avec qui tu
couches. Et surtout, tu peux aimer et être aimé, sans devoir te haïr pour
autant. »
Mais personne ne m’a jamais dit ça, maman. Il a fallu que je le découvre
tout seul, avec l’aide d’une ville qui est devenue la mienne. Je sais que tu
vas avoir du mal à le croire, mais San Francisco est plein d’hommes et de
femmes, hétéros ou homos, qui ne mesurent pas la valeur de quelqu’un à
l’aune de sa sexualité.
Ce ne sont ni des extrémistes, ni des malades mentaux, maman. Ce sont des
vendeurs, des banquiers, des vieilles dames, des gens qui vous saluent et vous
sourient quand vous les rencontrez dans le bus. Leur attitude n’est faite ni
de pitié ni de paternalisme. Et leur message est simple : oui, tu es un être
humain ; oui, nous t’aimons. Oui, tu as le droit de nous aimer en retour.
Je sais ce que tu dois être en train de penser en ce moment ; tu te
demandes : Quelle erreur ai-je commise ? Comment avons-nous pu laisser
une pareille chose arriver ? Lequel de nous deux à fait de lui ce qu’il
est ?
Je ne peux par répondre à cette question, maman. D’ailleurs, je crois que ça
m’est égal. Tout ce que je sais, c’est que, si toi et papa êtes
responsables de ce que je suis, je vous remercie de tout mon cœur, parce que
c’est la lumière et la joie de ma vie.
Je sais que je ne peux pas vous dire ce que c’est d’être gay. Mais je peux
vous dire ce que, pour moi, ce n’est pas de l’être.
C’est ne pas se cacher derrière des mots, maman. Des mots comme famille,
convenances ou chrétienté. C’est ne pas avoir peur de son corps ou des
plaisirs que Dieu a créés pour lui. C’est ne pas juger son voisin, sauf
s’il est grossier ou antipathique.
Être gay m’a enseigné la tolérance, la compassion et l’humilité. Cela
m’a montré les possibilités illimitées de l’existence. Cela m’a fait
connaître des gens dont la passion, la gentillesse et la sensibilité ont été
pour moi une constante source d’énergie.
Cela m’a fait entrer dans la grande famille de l’Humanité, maman. Et cela
me plaît. J’y suis bien. Je ne vois pas grand-chose de plus à dire, sauf que
je suis toujours le même Michael que vous avez toujours connu. Vous me
connaissez simplement mieux, désormais. Je n’ai jamais rien fait sciemment
pour vous nuire. Je ne le ferai jamais. Je vous en prie, ne vous sentez pas forcés
de me répondre immédiatement. Il me suffit de savoir que je n’ai plus à
mentir à des gens qui m’ont enseigné la valeur de la vérité.
Votre fils qui vous aime.
Michael. »
L’avouerai-je ?
J’ai pleuré en lisant ces lignes. Cette lettre, belle autant que touchante,
aurait aussi bien pu être écrite par une personne transgenre à sa propre
famille. En cela, je ressens très fort les liens puissants qui unissent les
gays, les lesbiennes et les trangenre :
Dire la vérité.
La dire sans honte et sans détour.
Être enfin soi-même.
Ne plus seulement exister, mais VIVRE !
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© Samantha Paul, le 1er Août 2009 - Tous droits réservés
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