La
Transition de Sarah
ou
la carte du cœur
« Si je bénis cette vie, c’est parce que tu y es. »
Christian BOBIN
**
Je dédie le texte qui suit à la famille de Sarah :
Sa Maman, son Papa, sa Grand-maman et sa Sœur, qui on
A tous, et au nom de Sarah, j’adresse mon infinie reconnaissance.
Avec
le second volet de ce triptyque, voici l’histoire d’une autre transition :
celle de Sarah.
Elle
n’a pas souhaité revivre cette période, fût-ce par écrit.
Par
amitié, elle a accepté que j’évoque son parcours sur le site ETT.
Qu’elle
en soit remerciée.
Je
n’étais pas certaine de savoir l’écrire à sa place, elle qui a si bien su
poser les mots sur le grand livre de sa vie…
Faire
une transition est une aventure tellement intime que je ne saurais la restituer
qu’à travers le prisme de mes propres sentiments.
Même
si je l’ai partagée de près, j’ai longuement hésité à me couler dans
son histoire, attendant de recueillir ce que me restituerait mon cœur… sans
doute aussi pour prendre un peu de distance avec mes propres émotions.
Je l’ai portée dans ma mémoire avec soin. Et ce n’est
qu’aujourd’hui que je puis finalement la conter.
Trois
années sont passées. Le moment est à présent venu…
« Il
n’est pas vrai que nous ne pouvons faire autrement que supporter notre destin.
Nous pouvons
aussi le diriger. Nous déterminons nous-mêmes ce qu’il doit nous arriver.
Je ne crois
pas que le destin intervient aveuglément dans notre vie.
Il y pénètre
par la porte que nous lui avons ouverte nous-mêmes. »
L’histoire partagée avec Sarah en atteste…
**
Samedi
07 février 2009 :
Le téléphone sonne. Je sais que c’est toi. Sarah. Une
merveilleuse déclaration de tendresse spontanée… de toi… à moi.
Je ferme les yeux. Désir de ressentir intensément tes mots. La
quintessence d’un indicible bonheur se répand dans mon cœur.
Ce n’est certes pas la première déclaration du genre, mais sans
que j’en sache expliquer les raisons, celle-ci me touche particulièrement…
Et puis soudain, je me souviens. D’un certain 07 février 2006…
Voilà près de trois ans déjà, depuis ce 02 avril 2006 :
Ta transition quasiment achevée, tu es rentrée chez toi, auprès
des tiens…
De cette date, pas un jour passé que tu ne prennes de mes
nouvelles et me fasses partager les événements de cette vie que tu es en train
d’écrire avec tant de talent.
Je repense à ces sept mois passés ensemble de septembre 2005 à
mars 2006, pour la plus belle cause qui soit à mes yeux : ta VIE.
Je
regarde autour de moi et j’ai l’impression de tourner la page d’un album
de photographies. A cet instant, tout se rattache à hier, au passé.
Mon
appartement dépouillé de tes effets personnels parait abandonné. Mais je ne
suis pas triste, bien au contraire.
Sans occulter les moments indéniablement délicats de cette période,
il me reste le souvenir intense d’instants lumineux passés auprès de toi et
qui réveillent ma mélancolie.
Ces
beaux moments sont tellement fugitifs ; on voudrait les fixer qu’on ne
pourrait pas.
*
A
portée de regard, quelques cartes postales de ton pays natal…
Au
loin, une forêt de résineux hérisse l’horizon de cette superbe région.
A
la lisière, une succession de collines verdoyantes s’entrelacent en courbes
gracieuses. Niché au creux d’une gorge peu profonde, ton petit village.
En
son centre, quelques habitations pelotonnées autour d’une fontaine séculaire
où la vie semble s’écouler au rythme lent du débit de l’eau… douce quiétude.
En
proche périphérie, accrochée à sa colline, une modeste maison alignée sur
d’autres demeures aux murs rose pastel et toit de tuiles brunes.
C’est
là que tu vis, chez tes parents.
Que se passe-t-il derrière cette porte ?
Une histoire est en train de s’écrire.
Quelle est cette histoire ?
La prise de conscience d’un cri.
Sarah.
C’est ainsi que tu te prénommes.
Tu
as 19 ans à peine, au moment où nous prenons le cours de cette histoire.
De
ta chambre à l’étage, où tu as lentement construit le rempart censé
dissimuler tes blessures intimes, tu attends. Ta
chambre, c’est ton microcosme, ton monde à part.
Sur
le seuil de ta vie, tu retiens ton souffle : tu sens monter en toi une
grande impatience.
Une
enfant au sortir d’une adolescence volée qui se prolonge douloureusement dans
des rêves de féminité que tu voudrais assumer de tout ton jeune élan, hors
de ces quatre murs trop étroits.
Tu sembles enfoncer ta tête sous la couverture de ton chagrin en
refusant de continuer…
Car
comment peut-on vivre, comment peut-on continuer quand on a perdu quelques unes
des plus belles années de sa vie, quand on est passée à côté des émois de
l’adolescence au féminin ?
En
forme d’exutoire, voilà que tu te pares de quelque robe empruntée à une
amie, soulignes tes yeux d’un peu de khôl, le temps d’un rêve
inaccessible.
Tu
as entamé en juillet 2004 un traitement hormonal qui atténue ton mal-être et
entretient l’espoir, si mince te semble-t-il.
Tu
t’es confiée à ton papa. Cette nouvelle à semblé le faire énormément
souffrir, sans qu’aucun mot ne soit ajouté. La pudeur est parfois un obstacle
à toute forme de communication. On évite d’aborder à nouveau un sujet pour
lequel on n’a pas les mots. Et le temps qui passe... Tu t’imagines alors
qu’il n’existe plus sur cette terre ni espérances, ni joies, parce que dans
ce moment, la vie te maltraite. Tu as tant d’amour pour tes parents que tu ne
saurais envisager d’avancer sans leur soutien.
Tu
es venue vers moi le temps de l’un de ces miracles de la vie où je me plais
à croire que le hasard n’a pas de place…
Nous
sommes en août 2004. C’est là que débutent nos échanges d’abord épistolaires.
Tu
me dis ce qui se bouscule en toi. Ton mal de vivre, ton incompréhension face à
une société qui pourrait te rejeter, à commencer par ta propre famille que tu
aimes tant.
Tu
me confies tes peurs, ton angoisse obsédante devant un avenir que tu ne peux
entrevoir que fermé.
Le
secret que tu me confies est une larme tombée de tes yeux. Il fige mon cœur.
A
l’évidence, ta vie ne saurait être différente de celle qui nourrit tes rêves.
C’est
pour toi une absolue nécessité.
Chaque
jour et durant quatre mois nous parlons, jusqu’à ce que la conversation se
tarisse, car les mots semblent impuissants à soulager une telle détresse.
Je
m’inquiète beaucoup de tes appels au secours qui se traduisent par
d’incessants découragements de vivre, des atteintes récurrentes à ton intégrité
physique.
Parfois,
on ne voit plus rien devant soi. Il n’y a plus aucun dessin de route, ni de
chemin.
Ton
cœur est malade. Il saigne, il souffre selon toi du manque d’amour, de
l’incapacité de ton entourage à comprendre ta souffrance. Tu te défends
avec l’âme de tes dix-neuf ans.
Tu
es une enfant qui refuse de grandir et qui se tient repliée sur son simulacre
d’enfance, car tu appartiens à ces enfants mal-nés qui, sitôt mis au monde,
s’y retrouvent tout seuls, et par là-même, volés de leur enfance, puis de
leur adolescence.
Je
crois pourtant savoir ce qui pourrait lever certains blocages psychologiques.
Pour
toi. Pour tes parents.
Tu
as accepté mon invitation. Tu viendras à Tours début décembre 2004…
*
Samedi
04 décembre 2004 :
Depuis
le début de nos échanges téléphoniques, je sais que ta voix est
remarquablement féminine… Elle semble avoir échappé à la morsure venimeuse
de la testostérone.
Aujourd’hui,
dans ce hall de gare à Saint-Pierre-des-Corps, c’est notre première
rencontre.
« Dans ce corps clos, il est une jeune fille
Dont la figure est plus brillante que le soleil.
De la tête aux pieds elle est comme l’ivoire,
Ses joues comme le ciel et sa taille comme un saule.
Dans ce corps clos, il est un visage éteint,
Une blessure, une ombre, et un tumulte,
Un corps dissimulé dans un autre corps... »
Tahar BEN JELLOUN – L’enfant de sable
Une
vieille légende russe évoque « RAJASNITSA », l’ange gardien féminin. - Sarah aurait-elle bénéficié
de la protection d’un tel ange ?- C’est la pensée fugitive qui
traverse mon esprit au moment où tu t’approches de moi.
Tu ressors de la foule comme une rose d’un bouquet d’orties…
tu es le sourire qui illumine tout.
Grande,
élancée, démarche légère. Les hanches semblent danser sous ta longue veste
de laine. Les traits gracieux. Les cheveux longs qui tombent en cascades bouclées
sur un cou délicat. De grands yeux de lavande encerclés de longs cils qui ne
doivent rien au maquillage. Ton maquillage, c’est tes dix-neuf ans. Les joues
sont fraîches et absolument lisses, les lèvres purpurines délicieusement
dessinées.
Tu
es lumineuse !
Tu
m’as apporté un petit bouquet de fleurs…
**
Dimanche
05 décembre 2004 :
Pour
l’instant, il est inutile de te dire que tes peurs sont des chimères :
elles sont réelles.
De
même il est vain de chercher à te convaincre des atouts qui sont les tiens :
tu n’as pas ce même regard sur toi.
Je
m’abstiens.
La
seule issue est que tu en prennes conscience toi-même, à la rencontre de
l’autre.
Je
propose une petite sortie entre filles en ville, que tu n’acceptes de faire
qu’à la nuit tombée et dans une rue peu ou pas fréquentée.
On
fait comme tu dis. Surtout ne pas te brusquer…
**
Lundi
06 décembre 2004 :
L’expérience
d’hier n’a pas été probante.
Demain
tu prends le train du retour. C’est donc pour aujourd’hui. Absolument.
Je
pense que le chemin de la confiance passe par l’immersion totale au Supermarché…
Je
sais que cet endroit constituera pour toi, un premier terrain d’entrainement.
Tu
es persuadée que « ça va se voir » qu’on va « te démasquer »
et rire de toi peut-être. Derniers arguments d’auto défense de pure forme.
Tu
sais pertinemment que tu dois le faire.
Tu
es consciente de tes peurs mais tu n’aimes pas t’avouer vaincue.
La
sortie envisagée est programmée en début d’après-midi.
Tu
sens l’angoisse t’envahir. A quelque temps de là, tu vas soudain te trouver
en terrain hostile.
Tu
fais tout pour nous retarder, avec l’espoir de prolonger encore un peu ces
instants en ce lieu protégé… Cette réalité qui se rapproche te mord
douloureusement les entrailles.
Quelques
vêtements prêtés qui te vont à ravir, une jolie paire de bottines, un
maquillage discret et te voilà parée.
Tu
sollicites mon jugement. Je te rassure. Tu es charmante.
Ton
entrée dans le supermarché est crispée.
Ma
présence à tes côtés t’es nécessaire, voire salvatrice. Je te sens sur la
défensive, l’œil à l’affut du moindre regard critique…
En
réalité, il ne se passe rien d’aussi déplaisant ; bien au contraire.
Quand
un regard masculin se pose sur toi, c’est plutôt de l’admiration, voire de
la concupiscence qu’on peut y deviner.
Rien
de ces signes encourageants ne semble t’échapper, tu en prends conscience.
Ton parcours de déroule plutôt bien, si bien que je te sens progressivement
plus détendue.
Tu
exprimes le désir de te séparer de ma « tutelle » et souhaites
continuer seule ta promenade à la rencontre du genre humain. Tu tiens à
parcourir toi-même ces allées qui nous éloignent, comme si tu franchissais
ainsi, par ta seule volonté, la distance qui te sépare d’une nouvelle vie :
la vraie. Celle qui tout naturellement s’impose à toi.
Je suis satisfaite. Tu as ouvert d’un coup le seul verrou encore
susceptible de t’empêcher d’avancer : la peur du jugement de
l’autre.
Le retour en auto est silencieux. Tu sembles emplie d’une sorte
de paix intérieure que je te laisse savourer les yeux fermés, dans la
communion de tes délicieuses pensées.
Tu portes en toi cette immense fierté d’avoir dominé
l’obstacle tant redouté.
Je me suis
sentie apaisée, comme si le monde enfin marquait une pose…
**
Mardi 07 décembre 2004 :
C’est l’instant du retour.
Sur ce quai qui nous sépare, je te regarde t’éloigner
lentement. Je sens bien que ce départ t’attriste. Tu te retournes. Il y a de
la mélancolie dans ton regard et déjà une promesse de retour…
Je sais que tu ne vas plus laisser la procrastination t’empêcher
d’aller chercher ta vie.
Rentrée chez moi, j’avise le petit bouquet de fleurs que tu
m’as offert.
Je n’en ai pas encore conscience, mais il a pris les couleurs
d’une amitié naissante.
La nuit est tombée. Je pense à toi. Tu t’endors probablement
chez toi, tandis que je démêle de mon mieux toutes ces nouvelles émotions…
**
Mardi 04 janvier 2005 :
Tu as tenu à revenir me voir dès que possible. Je n’ai pas
protesté…
Nous savons toutes deux qu’au-delà du plaisir de nous revoir, tu
vas pouvoir exprimer librement ta féminité, pendant quelques jours encore.
Chez toi, dans l’intervalle, tu as mis ta vie en mode actif. Tu
as consulté ta Conseillère d’orientation. Ensemble, vous avez sélectionné
un métier susceptible de te convenir.
Un stage sera nécessaire. Le lieu et les dates restent à déterminer.
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Dimanche 09 janvier 2005 :
Ton séjour prend fin. J’espère que tu as pu savourer chacun des
instants de liberté au féminin qui t’ont été offerts. Pour toi, la
confiance capitalisée est incontestable. C’était l’objectif.
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Mercredi 23 février 2005 :
C’est ton troisième voyage à Tours. Une semaine tout entière
pour te sentir de nouveau toi-même.
Confirmation : ton stage professionnel d’une durée de
quatre mois aura lieu à Lyon, à compter du 29 mars 2005.
Une ombre plane : tu es inscrite par l’administration sous ton
identité de naissance.
Tu as appris que tu devras partager ta chambre avec trois garçons.
Pour toi, cette perspective est totalement inenvisageable. Je partage ton
sentiment.
Nous décidons incontinent d’informer la Directrice de l’établissement
de formation et de te faire inscrire sous statut féminin. Nous obtenons
rapidement satisfaction. Tu auras même une chambre individuelle.
Nous voilà soulagées.
Tu as retrouvé ton beau sourire. Il est à lui seul ma récompense.
« Sur
tes joues, j’ai fait fleurir une rose,
Sur tes lèvres,
j’ai fait éclore un sourire… »
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Vendredi 25 février 2005 :
Je t’emmène chez ma coiffeuse. Coupe, mèches blondes, brushing.
Un ange. Tu es belle comme pour un jour de noces !
Ton regard s’illumine comme un bonheur d’enfant…
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Vendredi 04 mars 2005 :
Le séjour touche à sa fin. Tu es prête désormais pour assumer
seule la suite immédiate de ta vie : un stage professionnel de quatre mois
en immersion totale sous statut féminin.
Je ne suis pas inquiète. Bien au contraire, je suis ravie pour
toi, même si je sais toutes tes peurs résiduelles.
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Mardi 29 mars 2005 :
Tu pars pour Lyon. Très vite, tu me fais part de l’excellent
accueil qu’on t’a réservé et… de tes premiers succès auprès des garçons !
Une partie de tes peurs semble dissipée et j’en suis ravie. Ton
stage débute sous d’heureux auspices…
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Vendredi 23 avril 2005 :
Tu profites d’un week end de trois jours pour me rendre visite.
Tu vis désormais quotidiennement sous identité féminine. Pour toi, revenir en
arrière est désormais exclut, mais tu n’es pas prête encore à partager ta
nouvelle apparence avec tes parents.
Tu les as néanmoins informés de ta situation sur place et de ta
parfaite intégration.
D’ailleurs, à part la Direction de l’Etablissement, personne
ne soupçonne quoi que ce soit.
Cette information contribue à les rassurer un peu.
De son côté, je pressens que le groupe familial fait
progressivement un travail impressionnant d’acceptation de ta transidentité…
**
Vendredi 24 juin 2005 :
Les stagiaires ont été invité(e)s à effectuer un stage pratique
de quatre semaines en Entreprise. Nous avons trouvé une opportunité à Tours
du 24 juin au 24 juillet 2005.
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Mercredi 13 juillet 2005 :
Nous profitons de ton séjour à Tours pour signer chez le notaire
ton acte de notoriété. Ton peu de notoriété publique ne nous a pas permis de
collecter les documents normalement requis… Un ticket de cantine au nom de
Sarah a finalement suffit… sans compter ton joli sourire à Madame la
Notaire... plus un chèque de 120 euros et deux témoins.
**
Jeudi 14 juillet 2005 :
Tu es prête. C’est en fille que tu vas passer ce week end de
trois jours chez tes parents et, avec leur soutien, présenter officiellement
Sarah à vos voisins. A ce propos, je tiens à saluer le rôle essentiel de ta
famille dans la réussite de ta transition. Leur blocage initial était avant
tout lié à la peur du rejet social… Ton expérience probante à Lyon les
rassérène. Mieux : l’apparence épanouie de Sarah, leur fille, les
rassure et les encourage. Tu as gagné le cœur de tes parents sous ta nouvelle
identité.
Tu me fais part de l’accueil familial. Quelques larmes de joie…
Les portes de ta nouvelle vie te sont désormais largement
ouvertes.
« La
lumière de l’âme brille de nouveau au fond de tes yeux… »
**
Dimanche 24 juillet 2005 :
Ce stage pratique à Tours n’a posé aucun problème. C’est un
franc succès professionnel et ton intégration a été parfaite. Tu as
capitalisé un surcroît de confiance en toi.
Je me sens très fière de toi.
Retour à Lyon…
**
Vendredi 29 juillet 2005 :
Tu passes tes examens de fin de stage avec succès. Tu obtiens sans
difficulté la remise de ton diplôme au nom de Sarah…
« La vie
changeait radicalement de couleurs et la porte de l’avenir était ouverte.
Je m’y
engouffrai. »
**
Samedi 30 juillet 2005 :
Retour chez tes parents pour un repos bien mérité. Tu vas pouvoir
faire le plein de tendresse auprès des tiens. Tu en as tant besoin.
« Elle
voyait partout ses songes et ses rêves prendre forme, lumière et mouvement. Il
lui semblait tenir l’éternité entre ses mains comme un beau fruit encore
pendu à l’arbre et tout tiédi par le soleil, que l’on enserre entre ses
paumes avant de le cueillir. Sa joie avait la plénitude, la douceur, l’odeur
et le gout d’un fruit mûr. Sa joie voulait l’éternité. »
Sylvie
**
« Devant
moi il y avait deux chemins.
J’ai choisi
le moins fréquenté.
Cela a fait
toute la différence, car là, ma vie a commencé… »
Robert
Dimanche 26 août 2005 :
Retour à Tours.
Au cours de l’été, tandis que ta vie s’imprégnait des
couleurs de l’espoir, nous avons arrêté ensemble un projet….
Chaque soir nous parlons. Tu as tant de choses à me confier.
L’impression que parfois la nuit au-dehors se penche pour t’écouter…
Bien sûr, ton opération est au cœur de nos échanges. Tandis que
je suggère de faire une pose d’un an, tu me presses d’activer cette
transition que tu souhaites parachever dans les meilleurs délais…
Quand
on est jeune, on a tant d’impatience…
Je
me suis finalement rangée à tes arguments et je t’ai demandé de venir vivre
à Tours.
Ensemble
nous préparerons notre voyage et en fixerons la date. Pour agrémenter la
besace de nos ressources, tu as accepté de travailler, ne serait-ce qu’à
temps partiel.
Tu
effectueras des remplacements ponctuels dans la société qui t’a accueillie
lors de ton stage pratique de cet été.
Ce
26 août, tu arrives malade… Une forte angine qui te cloue au lit pendant une
semaine.
Je
prends fermement la résolution de tout mettre en œuvre pour tenir auprès de
toi la place de ta maman à qui je t’ai enlevée…
**
Mercredi 07 septembre 2005 :
Je reçois une lettre très touchante de tes parents. Ils me
confient leur amour de toi et m’avouent leur appréhension liée à notre
projet en Thaïlande. Toutefois, ils se félicitent que je sois là pour toi et
me témoignent leur confiance pour t’accompagner et veiller sur toi. Tout cet
amour à fleur de cœur me bouleverse…
J’apprécie comme ils parlent « d’elle ». J’en
suis profondément émue.
Sans cette lettre si belle, si extraordinairement authentique, je
ne sais si j’aurais su puiser autant de cet indispensable équilibre pour
mener notre projet à son terme.
**
Septembre à novembre 2005
Le quotidien te pèse énormément loin des tiens. Ce manque
t’affecte probablement plus que je n’imagine. En dépit du projet qui nous
porte, tu fais retomber tes souffrances passées et présentes sur la seule
personne à tes côtés ; de façon récurrente.
Je
te sers d’exutoire pour tout ce qui déborde de ton cœur tourmenté.
« Tu
cries, tu n’es qu’une boule de rage que rien ne peut arrêter. Tu t’agites
comme si tu voulais enlever un invisible vêtement qui te brûle la peau. »
Car tout est là, présent sous mes yeux : tes désirs, tes
espoirs, tes souffrances subies ; et je vois tout, et il me semble devoir
tenir tous tes maux dans mes mains.
Je suis un peu décontenancée.
Parfois je pense à nous comme à deux êtres perdus dans une tempête
de neige.
J’ai vu rouge plus d’une fois. Mais du jour où j’ai fait
taire mes pulsions négatives, je me suis servie de tout pour aller vers toi et
que tu le sentes et que tu le saches.
Tu souffres encore et ce mal résiduel bouillonne en toi.
Tu as accepté une main tendue. Repose-toi un peu à présent.
Respire. Laisse aller… enfin.
« Car derrière tout
bonheur présent est cachée une crainte à venir… »
Oublions Sarah. Oublions les sombres pensées, les interférences
extérieures qui nous détournent de nous. Avançons vers notre but commun. Il y
aura beaucoup de lumière si nous faisons chacune un effort. Fuyons cette
noirceur inutile.
Nous échangeons énormément. Je sais que mes mots ne sont pas
perdus, qu’ils s’en vont nourrir un grand fleuve souterrain. Tu en connais
la signification profonde et un jour je sais que tu me les restitueras un par
un.
A l’instar d’une amie qui longtemps soufflât sur la mienne, je
souffle sur ta vie comme un feu mal parti, menaçant de s’éteindre.
C’est en pensant à cette rive que nous atteindrons ensemble que
remonte en moi l’énergie dont j’ai besoin.
« Ne te
désole pas, ne te tourmente pas, laisse le destin enfoncer son clou en toi
jusqu’aux os, c’est ainsi qu’on parvient à faire ressortir quelque chose
de significatif. Cette vie humaine est impénétrable, mais elle est pleine de
sens. Fixe ton but et vas-y tout droit, sans trop te demander si tu y arriveras.
Il y a un temps pour tout, n’est-ce pas ? Un temps pour la souffrance, un
temps pour la joie, un temps pour l’agitation, un temps pour la paix. Par-delà
tout, il y a une vie qui s’offre en sa force débordante. »
François
**
Décembre 2005 :
Nous avons bien avancé. Depuis septembre, nous avons fait notre
choix et contacté le chirurgien via l’assistante duquel nous avons une
correspondance suivie, substantielle.
Rendez-vous est pris pour nous deux. Tu seras opérée le 7 février
2006. Je le serai la veille…
Ne restent plus qu’à régler les formalités du règlement et…
du voyage à Bangkok.
Notre
projet transpire dans un certain microcosme transgenre. Propos hostiles…
Les
flèches désobligeantes ricochent sur notre indifférence… Rien ne saurait
nous détourner de nos résolutions.
Cet
épisode navrant, intrusif, nous a rapprochées plus encore, et plus que jamais
nous nous sentons infiniment solidaires.
A
présent, nous n’avons plus à combattre seules, puisque nous sommes-là,
l’une pour l’autre, pour nous soutenir, compris dans toutes nos faiblesses.
Ce
qui fait désormais la qualité de notre amitié, c’est nos différences, nos
divergences, certes, mais plus jamais d’opposition. Nous sommes complémentaires,
farouchement jalouses de la force qui cimente notre lien.
Notre
projet, lentement a pris corps. Sous tes yeux, des choses concrètes sont
survenues. Tu ne le dis pas encore, mais dans tes yeux je peux lire à livre
ouvert.
…Et je t’entends me dire : « Est-il possible
qu’une nouvelle vie où se réaliseront mes espoirs et mes désirs, s’ouvre
enfin devant moi ? Et cette nouvelle vie, c’est pour toujours ? »
« Quelquefois
l’avenir habite en nous sans que nous le sachions, et nos paroles qui croient
mentir dessinent une réalité prochaine. »
Marcel
Nous
avons une magnifique surprise : tes parents t’ont adressé un virement
bancaire. Par ce biais, ils t’adressent un admirable message d’amour. Cet écot
de ta famille est le bienvenu…
**
Janvier 2006 :
Tu as cessé de travailler. Le sablier qui marque les derniers
jours de ton attente s’épuise.
Les
pieds sur terre, la tête dans les étoiles…
Nous
mettons la dernière main à la préparation de notre voyage.
**
Jeudi 02 février 2006 :
L’amitié pour viatique, c’est le jour du grand départ pour
Bangkok.
Nous avons opté pour la compagnie aérienne Thaïlandaise.
Autant se mettre d’emblée en immersion et apprécier dès le début
du voyage les douceurs promises de l’exotisme Siamois.
C’est ton baptême de l’air…
**
Vendredi 03 février 2006 :
Arrivée à Bangkok. Un véhicule avec chauffeur nous attend à
l’aéroport pour notre transfert à CHONBURI, notre destination finale, à
environ 150km.
Installation à l’hôtel Mercure… repos.
**
Samedi 04 février 2006 :
Rendez-vous à la clinique du Dr SUPORN.
Nous faisons connaissance avec lui, ou plutôt, il fait
connaissance avec nous…
L’hospitalisation est prévue pour le lendemain.
**
Dimanche 05 février 2006 :
Un véhicule de la clinique SUPORN nous dépose à l’hôpital de CHONBURI où nous serons opérées. Nous satisfaisons aux examens préopératoires
et rejoignons notre chambre au 8ème étage avec vue imprenable sur
le Golfe de Thaïlande…
**
Mardi 07 février 2006 :
8 heures du matin. On avance le brancard.
Tu es prête. Ta sérénité depuis notre arrivée ici force mon
admiration.
Tu as attendu si longtemps ce moment. Ton nounours est autorisé à
t’accompagner.
Mes
yeux croisent ton regard. Au fond de ce regard, une clarté d’un bleu pur qui
me paraît être ton âme. J’y vois toute la confiance que tu sembles vouloir
me faire partager, pour me rassurer. Comme une délivrance imminente… Tu
m’adresses un dernier sourire.
Me voila seule. Le début d’une longue, très longue attente.
…16h30, te voila enfin remontée de la salle d’opération.
Un formidable soulagement me chavire l’âme.
Une assistante du Dr
Je brûle d’impatience de t’approcher mais il me faut laisser
les infirmières t’installer et t’administrer les soins d’usage. On
s’affaire longuement et toute cette animation autour de toi me rassure et
m’inquiète à la fois.
La porte se referme enfin sur le personnel hospitalier. Je me
trouve soudain plongée dans un profond silence. Tu es là, immobile comme un
gisant, les yeux clos.
J’attends, le cœur battant très fort. Tu es si pâle…
Les minutes qui s’égrènent ainsi me semblent une éternité ;
et puis tu ouvres enfin les yeux.
Comment traduire en mots l’émotion qui m’étreint alors ?
Tu tournes la tête vers moi, tu me reconnais. Tu prends conscience
de l’événement présent. Les larmes te viennent aux yeux ; elles sont
si douces !
J’entends soudain ta voix, elle me parvient de très loin, comme
d’une autre rive.
Nous sommes proches pourtant,
quelques centimètres à peine nous séparent. Tu me regardes longuement
puis murmure péniblement ce simple mot : merci….
Tout le reste est dans tes yeux.
Je
saisis ta main et la serre. L’impression de me noyer dans ton bonheur.
Repue
d’émotion, la morphine associée, tu t’endors au milieu d’une larme.
Le
reste n’est instructif pour personne et ne saurait émouvoir que mes
souvenirs.
Il
est 17h30. Derrière la baie vitrée de notre chambre mon regard encore humide
de tendresse se perd dans la beauté apaisante du Golfe de Thaïlande.
A
l’horizon, le soleil capitule déjà. La nuit
n’est pas encore tombée. C’est l’heure entre chien et loup, où tout
semble incertain, où tout semble improbable…
Après, je ne sais plus très bien. Mon opération de la veille,
ajoutée à cette éprouvante attente. Allongée, tournée vers toi. Mes yeux se
ferment. Mentalement je dessine un cercle qui nous protège du monde, comme pour
prolonger l’instant magique. J’y assemble tous mes trésors de tendresse…
Je m’endors.
« Si seulement
on pouvait inventer quelque chose qui conserve un souvenir dans un
flacon, comme un parfum, et qui ne s’évapore, ne s’affadisse jamais. Quand
on en aurait envie, on pourrait déboucher le flacon et on revivrait l’instant
passé.
Je voudrais conserver cet
instant-ci et ne jamais le perdre.»
Daphné du
*
Les
heures, les jours qui s’ensuivent forment dans nos mémoires un chapitre à
part…
Enfin le soleil. Enfin tu le vois. Te voilà née. Je me l’étais
promis. Je te l’avais promis. Maintenant lève-toi et contemple. Tout est à
toi. Tout !
J’ai le sentiment rassurant que personne ne peut plus être méchant
avec toi et que le monde entier attendait la merveilleuse nouvelle de ta
naissance…
Bien
plus tard, je me suis souvent remémoré cet instant.
Délivrée
de la peur insoutenable, j’avais vécu là l’essence de la joie – une joie
inoubliable, une joie telle qu’aucune autre ne pourrait lui être comparée.
Mardi 07 mars 2006 :
Un mois de soins et de repos ; la gentillesse touchante des
Thaïlandais que nous n’oublierons pas, ce pays où le sourire est un véritable
art de vivre.
Nous n’oublierons jamais leur étonnante et discrète présence
à nos côtés.
Le temps est venu de rentrer à la maison.
Tu as dormi pendant tout le voyage. Tu n’avais plus vraiment
besoin de moi mais je t’ai veillée dans cet avion du retour. Bien que long et
fatigant, le voyage s’est déroulé dans de bonnes conditions, si ce n’est
un retard de près de deux heures du TGV qui nous transporte de Roissy à
Tours…
En sortant de la gare à Tours, nous marchons côte à côte, en quête
d’un taxi. Tu respires le bonheur. Et de te voir ainsi je me sens heureuse,
parce que tu es grande, belle, et que tu marches près de moi, avec confiance,
comme une vraie femme de la terre.
Arrivées
à la maison, nous nous laissons tomber de fatigue sur le canapé du salon. Sans
prononcer un seul mot, nous savons que nous venons de vivre ensemble quelque
chose que nous ne vivrons avec aucun autre être humain.
Je garde de cet instant la sensation d’une plénitude, d’une
joie d’au-delà de la vie, d’un événement hors du quotidien.
Tu
te retournes vers moi, un si joli sourire aux lèvres. Dans ce sourire,
j’entrevois tous tes bonheurs à venir.
« Ce que
je ressens n’est pas du bonheur mais de la joie. Il n’y a ni euphorie ni
exaltation. Je ne me sens ni plus sage ni plus grande. Ce qui grandit en moi,
n’est que la
conscience sereine d’exister. »
**
Mardi 21 mars 2006 :
Chaque
année, un petit vent tiède déboule subitement de l’autre bout du monde.
C’est un frémissement qui parcourt le ciel et la terre. Il réveille le
monde. Il apporte la vie.
Le
printemps arrive toujours comme ça : d’un seul coup, sans prévenir.
Cette
année, c’est de Thaïlande qu’il nous vient…
« Une
violette dans la prime saison de la nature,
Précoce et
fugitive, au parfum suave mais éphémère ;
Le simple
plaisir d’un instant,
Pas plus. »
William SHAKESPEARE
**
Samedi
01 avril 2006:
Ma
vie ne suffira pas à te remercier de ces heures que nous avons connues ensemble !
Grâce à ce souvenir, mes jours en seront illuminés.
Quant
à moi, je vais me livrer à une occupation que la jeunesse ne connaît pas
encore et qu’aucune distraction ne pourra jamais remplacer : c’est le
souvenir.
C’est un bonheur inespéré,
que quelqu’un vous manque bien avant de vous avoir quitté.
Toni
**
Dimanche 02 avril 2006 :
Tu
rentres chez les tiens.
On
sait qu’on a vécu ensemble un moment unique, intransmissible. On sait qu’on
s’en souviendra toujours, qu’entre nous ce sera quelque chose de spécial,
dont on ne reparlera peut-être jamais, qui nous accompagnera toute notre vie.
Au
moment de se séparer, on ne sait jamais trouver les mots qu’on voudrait.
C’est sûrement qu’il n’y en a pas.
A
part ceux de l’amour que l‘on porte au cœur et qui se dit si mal.
Une
dernière étreinte, les yeux qui se mouillent…
Un
petit sourire, et ce train qui me confisque Sarah. Il n’est pire déchirement
qu’une porte se refermant sur un être qui, au moment où il nous quitte, nous
manque déjà.
« Et moi
t’embrassant je soupire,
Car il me faut
m’avouer
Que tu me
manqueras
Quand tu auras
grandi. »
*
« Comme mes pas
furent lents pour entrer dans cette maison vide, d’où tous les échos se
sont
évanouis, où le bruit même de la plante des pieds sur le plancher est sourd,
éteint !
Comme j’aurais voulu que
tu sois là, que tu me serres contre toi, que tu me réconfortes !
Je commence à comprendre
le sens véritable de l’étreinte.
Nous étreignons pour que
l’on nous étreigne.
Nous étreignons nos
enfants pour que l’avenir nous prenne dans ses bras, pour nous
continuer
par-delà la mort, pour être portées outre. »
John Maxwell
**
*
Mai 2006 :
En
t’accompagnant le plus loin que j’ai pu, j’espère avoir contribué un peu
à te redonner le goût de vivre.
Vois-tu,
j’ai fait ce que j’ai pu, sans jamais calculer et sans compter ma peine.
Et
personne aujourd’hui, sauf toi, ne peut me dire si j’ai bien ou mal fait. Je
l’ai fait avec toute ma force, avec tout mon cœur.
Il ne te reste plus qu’à vivre tes pages blanches.
Au-delà
de la possibilité pour toi de te reconstruire après cette transition, au-delà
de ce témoignage, il y a tout ce
que tu m’as apporté : l’admiration pour ta volonté. Et par-dessus
tout, cet amour partagé avec toute ta famille qui t’a fait prendre ton destin
en main.
Laisse-moi
t’avouer au moins une fois que tout ce que je sais de plus précieux, c’est
toi qui me l’a appris. Sans jamais me le dire, tu m’as
enseigné le courage et la volonté.
Tu
m’as souvent obligée à aller au fond de moi-même
Et je n’ai jamais senti autant qu’aujourd’hui combien, grâce à
toi, je suis devenue riche. A tout jamais.
Par ta détermination, ta force de caractère, tu as su donner
l’impulsion nécessaire à la réussite de cette belle aventure et forcer mon
admiration.
Il y a quelques larmes dans mes yeux en ce moment. Je suis
heureuse. Confiante et heureuse pour toi, pour ton avenir.
Je
garderai toujours le souvenir de toi tendrement serré contre les battements de
mon cœur…
« Souviens-toi un
peu de moi.
Tâche de poursuivre dans
ta vie la part de chemin que je n’ai pu parcourir.
Marche doucement, car tu
marches sur mes rêves. »
John Maxwell
COETZEE
**
Jeudi 06 juillet 2006 :
Notre
avocat t’apporte la nouvelle tant attendue : Le Tribunal de Grande
Instance de Tours a statué ce jour en faveur de ton changement d’état
civil…
Cette
décision de justice, sans surprise, met un point final à ta transition, telle
que tu l’as rêvée. Ta satisfaction est enfin complète.
L’éloignement
nous prive de l’étreinte chargée d’émotion qu’aurait justifiée une
telle information.
On
fêtera ça à ta prochaine visite à Tours, veux-tu ?
**
Quelques mois plus tard…
Tu
n’avais pas les mots pour dire les émotions liées à tes blessures morales.
Lorsque les difficultés de ton histoire récente ont été extirpées de ta mémoire,
tu as commencé à te pacifier. Tu as remis en place tous les morceaux de ta
vie.
Tu
as enfin de la place pour autre chose.
Aujourd’hui,
tu te définis comme une Sarah qui ne parle plus de son passé, une Sarah qui
regarde devant elle, une Sarah à vivre…
« Ma vie n’est au fond nulle part qu’en
moi-même… »
Benjamin
******
« Deviens qui tu es. »
Pindare
Mars 2009
Ton histoire ne s’achève pas là. Chaque jour tu la fais vivre
avec talent.
Tu t’épanouis, tant dans ta vie sentimentale que
professionnelle…
Cette nuit, j’ai écris la dernière page de ces quelques mois
partagés ensemble.
Est-ce parce que, la nuit, le monde des rêves et celui de la réalité
se fondent, l’un dans l’autre ? J’ai l’impression que tu es là.
Heureuse, souriante. Pour toujours…
Sans cesse ton image s’interpose plaisamment entre moi et la page
d’écran que je m’efforce d’écrire. Voila. La dernière ligne est à
venir.
Tu as toute mon affection.
On n’en a pas fini d’aimer… Car outre le sang, l’affection
tisse parfois les liens familiaux.
N’est-ce pas Sarah ?
« A chaque
seconde de mon existence, je pense à ce qui s’est passé, et tu marches
encore dans mes rêves et dans ma réalité. Merci d’avoir croisé mon chemin. »
Guy de MAUPASSANT – Une vie
******
Les dates clés de la transition de Sarah
Juillet 04 :
Début du
traitement hormonal substitutif.
Août 04 :
Début de nos
échanges épistolaires.
Samedi 04 décembre 04 :
1ère
rencontre à Tours Sarah/Samantha.
Lundi 06 décembre 04 :
1ère
véritable sortie en fille : Succès total.
Mardi 29 mars 2005 :
1er
jour de vie à plein temps sous statut féminin à l’occasion d’un déplacement
à Lyon pour un stage professionnel de 4 mois.
Du mardi 29 mars au dimanche 24 juillet 2005 :
Stage pratique à Tours sous statut féminin.
Mercredi 13 juillet 2005 :
Signature de l’acte de Notoriété.
Du jeudi 14 juillet au dimanche 17 juillet 2005 :
1ère visite au domicile
parental sous apparence féminine. Présentation officielle de Sarah à ses
voisins.
Vendredi 29 juillet 2005 :
Succès aux examens de fin de stage.
Remise du diplôme au nom de Sarah.
Vendredi 02 septembre 2005 :
1er contact avec le Dr SUPORN
WATANYUSAKUL à CHONBURI (Thaïlande).
Dimanche 04 septembre 2005 :
Réponse du chirurgien.
Samedi 10 septembre 2005 :
Confirmation des dates d’opérations.
Samedi 24 septembre 2005 :
Retrait des billets d’avion.
Lundi 03 octobre 2005 :
1er rendez-vous avec
l’avocat.
Remise des documents pour la
constitution du dossier de changement d’état civil.
Mardi 06 décembre 2005 :
L’avocat dépose le dossier de demande
de changement d’état civil au Tribunal de Grande Instance de Tours.
Jeudi 02 février 2006 :
Départ pour Bangkok.
Mardi 07 février 2006 :
8 heures du matin : Vaginoplastie.
Mardi 07 mars 2006 :
Retour de Thaïlande.
Du 08 mars au 01 avril 2006 :
Convalescence à Tours.
Dimanche 02 Avril 2006 :
Retour au domicile parental.
Jeudi 01 juin 2006 :
Plaidoirie de l’avocat.
Jeudi 06 juillet 2006 :
Jugement du TGI de Tours en faveur du
changement d’état civil de Sarah.
Juillet à Août 2006 :
Mise en conformité des papiers
d’identité + Carte vitale.
Septembre 2006 :
1er emploi en CDD.
Février 2007 :
1er emploi en CDI.
Photos :
Références
littéraires
Merci à…
1.
Christian
BOBIN
3.
Amin
MAALOUF
4.
Sylvie
GERMAIN
5.
Robert
FROST
6.
François
CHENG
7.
Marcel
PROUST
8.
Daphné
du MAURIER
9.
Susanna
TAMARO
10.
William
SHAKESPEARE
11.
Toni
MORRISON
12.
John
Maxwell COETZEE
13.
Benjamin
CONSTANT
14.
PINDARE
15.
Guy de
MAUPASSANT
Et
à tous les auteurs dont les extraits, n’ont hélas pas été répertoriés
par distraction de la soussignée…
J’espère
qu’ils ne m’en tiendront pas rigueur.
J’ai
seulement envisagé le double parti d’assortir mon propos de ces quelques
citations, et de faire partager aux lecteurs de cette histoire, le don d’une
saine nourriture…
Samantha
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©
Samantha Paul,
le 2 Avril 2009 - Tous droits réservés ETT37