Le Billet de Samantha n° 18 – Septembre 2008 |
Un
long silence…
Pourquoi n’ai-je pas écrit tous ces
derniers mois ? C’est toujours la sorte de question à laquelle nous ne
pouvons pas apporter de réponse précise sans avoir une conscience peu
satisfaisante de nos insuffisances.
J’ai reçu ces derniers mois un certain nombre de
mails s’inquiétant de mon long silence : « Je viens de temps en temps sur
le site ETT, et je regrette de ne plus trouver depuis plusieurs mois de nouveau
billet. » m’écrit-on…
D’abord qu’on se rassure : ne plus écrire,
fût-ce un long temps, ne signifie pas rester inerte. Ma discrétion sur le site
est inversement proportionnelle à une activité assez dense, si je me réfère
aux échanges fréquents que j’ai avec nombre de personnes transgenre (et
parfois leur famille), que ce soit par mail ou téléphone.
Je fais ce que je peux, sans jamais calculer et sans compter ma peine. Je l’ai
fait avec tout mon cœur… en espérant que la force de l’empathie ne s’émousse
jamais.
Cela dit, il est vrai qu’en septembre, puis en novembre 2007, deux événements, l’un heureux, l’autre non, ont probablement eu une certaine incidence sur cette longue parenthèse…
En septembre 2007, le décès d’une personne
transgenre qui correspondait régulièrement avec moi : billet
n° 15.
J’en ai été très affectée et j’ai eu, je l’avoue bien des difficultés
à laisser les flots de la vie reprendre normalement leur cours.
Et puis en Novembre 2007, le jugement du TGI de
Tours en faveur de mon changement d’Etat civil.
Après tant de tension accumulée tout au long d’une assez longue transition,
cette heureuse conclusion m’a fait soudain ressentir le désir violent d’un
isolement, d’un retour en moi, pour ne pas dire un repli. Rêver de ne penser
à rien, chercher dans le vide une sorte de tranquillité, une sérénité
soudainement à portée…
Me sentir flottant dans une heureuse léthargie, oubliant farouchement tout ce
qui pourrait ternir le côté magique de ces moments arrachés aux noirceurs
quotidiennes…
Nombre de personnes trangenre, au terme de leur
transition, ne donnent quasiment plus jamais signe de vie, se fondant dans
l’anonymat. Elles ne souhaitent plus revenir sur les affres d’une transition
dont les conditions d’accomplissement, émaillées d’humiliations, d’étroitesse
d’esprit, d’incompétence médicale, sont à des années-lumière de ce
qu’on serait légitimement en droit d’attendre d’un pays civilisé…
Sans doute s’inspirent-elles alors de cette formule de Beaumarchais :
« Ne regarde pas d’où tu viens, vois où tu vas, cela seul importe à
chacun. »
Ces personnes-là me comprendront comme je les
comprends.
Pour ma part, je reste-là, à votre écoute.
Cordialement.
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© Samantha Paul, le 1er Septembre 2008 - Tous droits réservés
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