Ma transition ou l’enterrement d’une vie de garçon

ETT37   

                                  

« Si tu as un passé dont tu n’es pas satisfait(e), oublie-le maintenant. Imagine une nouvelle histoire pour ta vie et crois en elle. Concentre-toi seulement sur les moments où tu as réussi ce que tu désirais – et cette force t’aidera à obtenir ce que tu veux. »  Paulo Coelho

 

 

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Le texte qui suit est l’histoire de ma transition. 
Une transition que j’écris à titre d’exemple sans la prétendre exemplaire. 
J’ai suivi ma route... c’est tout. 

Lorsque j’ai commencé à envisager ces changements pour ma vie, j’ai éprouvé bien du mal à trouver -ne serait-ce que le bout d’un renseignement- sur le mode d’emploi de la transition.
Cela ne m’a pas empêchée de parvenir à mes objectifs. 
Néanmoins, comme disait Sénèque : «
Ce n’est pas que nous disposons de peu de temps, c’est surtout que nous en perdons beaucoup. »
J’en ai perdu énormément.
 

J’avais cinquante ans et je n’étais pas encore née. Je vivais recluse dans ma prison mentale et me trouvais mille raisons de ne pas faire ce qui m’effrayait beaucoup. J’attendais. J’ai attendu presque toute ma vie. 
Je vivais dans la vacuité d’un présent éthéré.
Jusqu’au jour où j’ai compris que ce qui est engendré par la crainte n’est rien moins qu’une douleur. Jusqu’au jour où j’ai pris conscience que ma vie n’était nulle part ailleurs qu’en moi-même et que je devais aller la chercher jusqu’au fond de mes peurs. Ça, personne ne pouvait le décider pour moi. 
Quand le moment est venu, il ne pouvait en être autrement. C’est tout.

Peut-on affirmer un jour : - Je suis prêt(e) ?
Ce jour-là j’ai seulement su que ça m’était indispensable. 

Alors j’ai levé mon regard. La montagne me semblait bien haute, tellement haute ! Mais ma vie résiduelle ne valait-elle pas le prix d’une escalade ?
Je ne savais pas trop bien grimper. J’ai longuement tâtonné. 
D’étape en étape, je me suis aperçu que doucement j’avançais et que la plaine où je languissais depuis si longtemps s’éloignait de mon horizon. 
Alors, je ne me suis plus retournée. Et j’ai grimpé.
Plus tard, j’ai su que la montagne en cachait d’autres…


Le jour où tout a commencé…
 

Mercredi 15 janvier 2003… à 18h45 (jour 1)
Rendez-vous avec le Dr B. Généraliste à Tours.
Je ne connais pas ce docteur choisi au hasard dans l’annuaire.
Je me présente vêtue en fille. Je suis concentrée, déterminée, mais pas plus rassurée que ça.
C’est ma toute première démarche pour évoquer ce que j’appelle encore : « Mon problème » : un trouble de genre qui me mine depuis l’adolescence ; un trouble longuement refoulé par la honte et qui aujourd’hui n’est plus supportable. 
La gorge nouée, je lui explique longuement et sans doute maladroitement mon parcours psychique depuis l’enfance et le long cheminement personnel pour affirmer ma vraie nature, celle qui ne me posait pas question et me semblait tellement évidente étant enfant.
« Je souhaite accéder au statut féminin et je sollicite votre aide ». 
C’est ainsi que je termine mon exposé.

Je suis assez surprise d’avoir osé si simplement dérouler ma vie longtemps jalonnée de non-dits à une personne étrangère.  
Cet homme m’a écoutée attentivement. J’imaginais une objection polie en forme de réponse pour m’éconduire, du genre : « je vais vous prescrire un calmant, ça va passer… ». 
Au contraire son ton est rassurant, compréhensif. Ma tension s’apaise peu à peu.
Je l’écoute parler de sa voix douce. Il me propose d’adresser un mot à un confrère Gynécologue de Tours, qui m’écoutera et me proposera le traitement idoine. Il me communique ses coordonnées.  
A cet égard, quoique faisant de son mieux, il commet une grave erreur d’orientation, mais il ne sait pas. Moi non plus… pas encore. 
A cet instant je ne pouvais espérer mieux que cette porte entr’ouverte sur l’espoir. En tout, il m’a accordé une heure de temps pour une simple consultation.  
Je mesure l’importance psychologique de l’accueil que me réserve ce gentil docteur. Cet instant magique marque indéniablement le début de ma quête : vivre en harmonie avec ma nature profonde…être femme, vivre socialement en femme, cela est donc possible puisque j’ose enfin en parler et qu’on m’écoute !  
Une barrière vient de tomber : celle de la honte, réminiscence d’une éducation catho, renforcée par l’omniprésence de la pression sociale.  

Pour aller à la rencontre de la femme qui est en moi, j’acquiers une nouvelle force : La confiance.
Dès le lendemain, je prends rendez-vous pour le 17 février avec le Gynécologue.
 

Jeudi 16 janvier 2003… à 18h30 (jour 2)  
Rendez-vous dans un institut d’épilation Laser à Tours.
 
Au sortir du bureau, je me présente en homme.  
Je suis reçue par Sandrine ; une jeune femme menue, brune aux cheveux courts, très jolie.
Elle me fait une démonstration pratique. La douleur semble supportable à priori.
Coût total pour le corps entier : 8500 euros ! Nous nous mettons d’accord sur la base d’un devis préférentiel : Ce sera 5700 euros, soit 33% de remise.
475 euros de budget mensuel. 
La banque palliera bien mes carences financières !
 

Lundi 27 janvier 2003 (jour 13)
Cette date marque le début du programme d’éradication pileuse qui ne se terminera qu’en février 04.  Dans l’intervalle, Sandrine est devenue une précieuse confidente.  

Lundi 17 février 2003… à 20h20 (jour 34)
Rendez-vous avec le Docteur L. Gynécologue à Tours.

Ma première expérience avec le docteur B. m’a donné plus d’assurance. Je me sens sereine et décidée. Je lui remets la lettre de son confrère, qu’il lit.  
Je lui redis mon parcours et termine par cette même requête :
« Je souhaite accéder au statut féminin et je sollicite votre aide ».  
Je le sens hésitant, légèrement déstabilisé. Je suis probablement sa première rencontre du genre. Il me le confirme.
Et de me dire qu’un traitement hormonal peut se révéler dangereux. Et de m’affirmer que psychologiquement je pourrais regretter des modifications physiques irréversibles qui ne correspondent pas à ma nature originelle. Et de me conseiller de suivre une psychothérapie, passage obligé selon lui, avant d’envisager le moindre traitement hormonal. Si cet homme savait mon long parcours psychique pour en arriver aux certitudes qui m’amènent à lui, il me proposerait un traitement immédiat sans passer par la case psy. Mais je suis prête à en passer par là si c’est réellement la « procédure ».
J’écoute, attentive, docile.
Il me prescrit toute une série d’examens préalables. « Je m’occupe de vous, je vous écris sous deux semaines pour vous indiquer la marche à suivre » me précise t-il. Dont acte, je n’ai pas trop apprécié son discours mais je veux avancer.  
Après tout, il s’occupe de moi et il va m’écrire… attendons.  
Deux semaines plus tard, rien au courrier. Je rappelle. « Oui, je pense à vous, rassurez vous. Je vous écris sous huitaine ». Deux semaines après, idem.  

Samedi 15 mars 2003… à 17h00 (jour 60)  
Rendez-vous chez le Docteur B. Orthophoniste à Tours.
 
Une femme charismatique à la voix claire et tonique. Bon point pour elle : Elle me rappelle ma première maîtresse d’école. On n’oublie jamais sa première maîtresse d’école. On a pour elle une tendresse toute particulière.  
Je suis habillée unisexe, légèrement maquillée.  
Je lui confie mon projet de vivre femme et mon souhait de faire appel à ses compétences pour m’aider à adoucir une voix qui bientôt, je le pense, ne sera plus compatible avec ma future apparence.  
Je lui parle de la blessure profonde consécutive à la mue de mon adolescence.  
Mon cas l’intéresse. Sa clientèle est presque exclusivement composée d’enfants et je lui propose un challenge nouveau qu’elle juge difficile mais pas insurmontable. Elle accepte et me précise que le travail sera long, fastidieux et qu’il me faudra volonté et assiduité, à raison d’une séance hebdomadaire, sans compter le travail personnel quotidien. Je la rassure sur ce pré requis.  
Nous prenons date pour la première séance.
 

Samedi 29 mars 2003 (jour 74)  
Toujours pas de nouvelles du Gynécologue. Je veux encore croire en lui mais je m’impatiente un peu.
Je le rappelle. Il bafouille que ses démarches avancent, qu’elles sont plus lentes que prévues mais qu’il pense toujours à moi.  

Jeudi, 03 avril 2003 à 20h00 (jour 79)
Rendez-vous chez le Docteur B. Orthophoniste ; première séance.  
Ce jour est important pour moi à trois égards :
 

Lundi 14 avril 2003 (jour 90)  
Toujours pas de nouvelles du gynéco. J’appelle, il est en vacances l’heureux homme. Je demande un rendez-vous On me fixe le…
 

… Jeudi 15 mai 2003 à 18h40 (jour 121)  
Je me trouve face à un homme dont je mesure concrètement le côté désagréablement fuyant. Je lui rappelle sa promesse trois longs mois auparavant, de me donner le mode d’emploi auquel j’avais adhéré en confiance ; l’important pour moi étant d’avancer mais surtout pas de stagner comme il me l’impose. Il acquiesce, commente les résultats de mes analyses. Elles sont rassurantes et rien ne saurait à priori s’opposer médicalement à un traitement. Il faut néanmoins passer par un psy qu’il cherche.... J’ai l’impression d’avoir déjà entendu ce discours là ! Il m’indique qu’il a bien avancé mais qu’il lui manque un ou deux éléments et qu’il m’écrit promis juré… sous huitaine !
Là, j’ai confirmation qu’il me prend pour une grosse conne et qu’il joue la montre en espérant que je me lasse. Il n’a même pas le courage de me dire qu’il ne fera rien pour moi. Je règle le bonimenteur et prends congé de ce faux-cul, furieuse contre moi d’avoir été aussi docile et naïve. 
C’est moi qui souhaite la vaginoplastie et c’est lui qui n’a pas de couilles !!
 

Vendredi 16 mai 2003… à 18h00 (jour 122)  
Je consulte le docteur B. Dermatologue (épilation Laser) à Tours. Je lui fais part de mes récentes désillusions avec le gynécologue L.  
Elle m’oriente vers le docteur G. Gynécologue connu et reconnu à Tours pour avoir aidé d’autres personnes trangenre. Je le contacte illico. Il m’oriente vers un psy à Paris « entre les mains duquel il convient de passer pour un entretien préalable, avant d’envisager le traitement sollicité » me précise-t-il.  
Cela ressemble à un discours convenu et déjà entendu. Mais il semble connaître son sujet et il me rassure en me disant qu’il me recevra sous huitaine, suite à mon entretien avec ce psy.  
Il me donne ses coordonnées. Pas un instant à perdre, je fonce. Je contacte le secrétariat du docteur G. psy à l’hôpital F. en région Parisienne. L’agenda de cette éminente spécialiste est plein comme un œuf ; on me fixe rendez-vous en septembre, le vendredi 12 à 15h45 pétantes ; à prendre ou à laisser. Je prends.  

Lundi 19 mai 2003… à 20h00 (jour 125)  
Rendez-vous avec Mme B. Orthophoniste.
Elle m’a reçue toutes les semaines depuis notre première rencontre le 15 mars dernier. Nous travaillons beaucoup. J’ai appris à respirer. Les exercices sont effectivement fastidieux, itératifs, mais je ne devais pas m’attendre à chanter Carmen avec une voix de Diva dès les premières semaines.  
Je m’accroche ; nous y croyons. A chaque rendez-vous, comme je suis sa dernière patiente de la journée, nous nous accordons toujours un moment de causerie. C’est l’occasion pour moi de lui parler de mes démarches, de mes espoirs, de mes doutes, de mes déceptions. 
L’air de rien, elle devient une confidente qui partage mon parcours au fil de l’eau. Et cette écoute me permet d’amortir psychologiquement bien des découragements latents. Tout doucement, je mets à profit notre rencontre hebdomadaire pour progresser dans mes exercices mais aussi me revigorer les neurones et repartir de plus belle pour une autre semaine, encore plus forte, plus volontaire que jamais.
Mme B. parle peu. Ecoute beaucoup. Un soir elle me demande si je consulte Internet. Je n’ai pas Internet à la maison, mais peut-être au bureau…  
Elle me parle du site d’une association « Syndrome de Benjamin » et me suggère d’aller y jeter un œil. Peut-être y trouverai-je d’autres sites susceptibles de me guider utilement dans toutes ces démarches qui semblent si compliquées à mettre en œuvre isolément ?  
Je ne suis pas du tout familiarisée avec Internet mais je prends l’information à tout hasard.
Promis, j’irai voir.  

Samedi 12 juillet 2003 (jour 179)  
Paris… Angel Mode.  
Par l’entremise d’une copine, je fais connaissance avec Angéla, propriétaire d’un magasin de confection. 
Une vraie petite fée Brésilienne aux doigts d’or !  
60 ans. Transgenre resplendissante, ne faisant pas son age. Nous devenons copines. Elle me dit de ne pas hésiter à la rappeler si un jour j’ai besoin d’une adresse de médecin qui aide les personnes comme nous. J’en prends bonne note.
 

Dimanche 27 juillet 2003 (jour 194)  
Je fais mon coming out auprès de mes deux sœurs.  
Elles me soupçonnaient homo, elles me découvrent transgenre. Annonce terrible pour elles.  
Après quelques heures de discussion au téléphone elles semblent accepter… du bout des lèvres.  
Je sais bien au fond de moi que ce ne sera pas chose simple pour elles que d’accepter de perdre un frère. Moi-même n’ai-je pas mis plusieurs années avant de simplement m’accepter ? Je mesure le chemin qu’elles auront à faire. Vais-je perdre mes deux sœurs que j’aime de tout mon cœur ? Il va leur falloir probablement beaucoup d’amour et de tolérance.  
Je mise sur l’amour. 
Je me fais toute petite. J’aurais tellement besoin de leur soutien ! Je suis en apnée.  

Vendredi 29 août 2003 (jour 227)  
Je reçois un courrier annulant mon rendez-vous chez le psy en région Parisienne (ben voyons), et m’invitant à prendre contact avec le secrétariat pour une autre date. J’imagine le pire vu leurs délais. Mais non, on me propose le mardi 16 septembre à 15h00, à prendre ou à laisser. Je re-prends.  

Mardi 02 septembre 2003 (jour 231)  
Je consulte le net.
A ma grande surprise, je découvre via les sites trouvés, une foule d’informations.
La lecture de ces documents me laisse un peu sur ma faim. Beaucoup de littérature. De nombreuses informations utiles à ma culture mais… je voudrais plus de concret. 

Mercredi 03 septembre 2003 (jour 232)  
C’est la rentrée, et avec elle le retour de vacances de mes sœurs. J’ai bien sûr été au centre des discussions familiales. Au final, ma transidentité passe très mal et n’est pas acceptée.
Pas question de me revoir en fille. On m’aurait acceptée homo, mais travelo, faut pas pousser ! Je suis et resterai un garçon dans leur souvenir.  
On ne me reverra donc plus. C’est un peu comme de ne plus vouloir me conjuguer au présent… arrêt sur image.
Je misais sur l’amour, tant pis. Mon environnement affectif s’étiole.

Mercredi 16 septembre 2003…à 15h00 (jour 245)  
Rendez-vous avec le Docteur G. Psy en région Parisienne.
Par crainte de manquer cet entretien tant attendu, je suis arrivée devant l’hôpital avec trois heures d’avance.  
14h30, une petite dame pas vraiment avenante, passe le nez dans l’encoignure de la porte de la salle d’attente où je me liquéfie, la chaleur aidant. Elle m’invite à la suivre : « Puisque vous êtes en avance, profitons en » m’interpelle-t-elle sèchement. 
Traduction : « Bon, puisque vous êtes là, plus vite on se débarrasse de vous mieux ce sera ».

Elle a dans les yeux cette expression hautaine que confère le pouvoir sur les choses et sur les êtres.
Je me crispe un peu, mon sourire aussi. Je pose mon séant sur la seule chaise disponible. Elle est bancale, presque à l’agonie. Les budgets sont serrés. Mes fesses aussi…
 

A partir de là les mots touchent à la limite du dicible.
Mais je ne peux pas les retenir. Je ne peux pas les taire.
 

Aussitôt la matrone m’assène d’un ton monocorde une salve de questions personnelles.  
A la question : « Avez-vous été marié ? », Réponse affirmative. Tilt. Le stylo de la mégère reste quelques secondes en suspension au dessus de la feuille de tests, puis elle coche une case : sans doute celle qui condamne.
Je pressens le gravier dans le soulier, la mouche dans le potage.  
Mais la série de questions continue et va quasi consciencieusement jusqu’à son terme. 
La préposée pose son stylo et tapote le bord du bureau de ses doigts potelés.
Son regard se fige soudain sur ma poitrine rebondie. Et la bougresse de me reprocher d’avoir commencé un traitement hormonal sans contrôle (sous-entendu le leur je suppose).  
Je fais remarquer à son éminence, redoutable observatrice, qu’il s’agit de simples prothèses et lui en pose une sur le bureau. Même pas gênée, elle enchaîne : Pourquoi ne voulez-vous pas rester simplement travesti ? ». « Ben ma bonne dame, parce que précisément, si je voulais le rester, je ne serais pas là à répondre à vos questions ! »  
Et de m’expliquer qu’elle travaille dans une équipe spécialisée, qu’il existe 4 ou 5 équipes équivalentes en France s’occupant quasi exclusivement de tous les cas de « transsexualité ». Qu’à ce titre, eux seuls sont habilités à décider du bien fondé de notre démarche, que les critères de la vraie « transsexualité » définie entre spécialistes, pour partiaux qu’ils soient, sont précis nets et incontournables, que, qui sort de ces critères sort du processus, que seulement 4 à 5% des « patients » sont sélectionnés pour accéder au statut féminin ou masculin, au terme d’un suivi psychologique minimum imposé de 2 ans. 
Interloquée par le débit froid et comptable de cet hématozoaire, je me risque à lui demander si franchement, au vu de ce premier interrogatoire, je réponds aux fameux critères. Elle me dit que les tests sont loin d’être terminés, qu’il y aura enquête de voisinage, auprès de ma famille aussi, mais que le fait d’avoir été marié est un critère qui jouera probablement au final en ma défaveur.  
« Pourquoi cela ? » demandé je. L’effrontée rétorque sans sourciller que la vie commune avec une femme est formellement contradictoire avec la « transsexualité » selon leurs normes, que les vraies « transsexuelles », n’ont jamais de rapport avec une femme et qu’elles ne se sont même jamais servies de leur sexe et qu’enfin, preuve irréfutable s’il en est : « Elles sont tellement mal dans leur tête qu’elles attentent à leurs jours et récidivent plusieurs fois ».  
Me suis-je seulement suicidée une seule fois moi ? Mais qu’en sait-elle, l’héberluée ?  
J’hallucine, je me crispe encore plus.  
Je me risque à lui dire avec un sourire forcé, que les « vraies transsexuelles » doivent probablement leur arriver dans un piètre état et que je suis désolée de me présenter à elle toute pimpante, ni moitié pendue, ni agonisante sous l’effet d’un calice de la mort… 
Sœur sourire fait mine de ne pas relever mon humour. 
Je lui demande quelle est la suite de ce joyeux programme. Elle m’invite à contacter de nouveau son secrétariat pour un rendez vous qui me sera fixé trimestriellement, et ce pendant 2 voire 3 ans ou plus.  
- Pourquoi tous les 3 mois ? C’est un intervalle bien long pour un suivi efficace !  - Parce que la demande est importante ! Cela ne me rassure pas. Je pense à toutes ces personnes en attente si prégnante qu’elles n’imaginent probablement pas un instant ne pas faire partie des 4%. Ça me fait froid dans le dos… 
J’ajoute que cela me semble assez curieux qu’ils puissent laisser globalement 95% des gens mariner pendant deux ans de psychothérapie, pour conclure à une fin de non recevoir, alors qu’ils en connaissent forcément l’issue dès le départ selon leurs critères de base ! Je m’étonne même qu’elle me permette de continuer, sachant que le critère du mariage semble rédhibitoire à leurs yeux.  
Je lui demande si elle et son équipe se préoccupent de l’état psychologique des 95% d’éconduites après deux années de folle espérance. Qui se soucie après cela de leur désespoir ? Combien de suicides à posteriori ?  
La revêche reste de marbre, les lèvres pincées.  
Elle a déjà fermé le clapet de sécurité de son inhumanité.  Je suis indignée.
Je me demande ce que je suis venue faire là et me souviens que je viens de la part du docteur G, gynéco à Tours. J’en fais part à l’austère psychiatre. Elle ne connaît pas ce docteur et de toutes manières, seules les équipes spécialisées, à l’instar de la sienne sont habilitées à nous suivre. 
Je me sens vraiment mal. J’ai la nausée des mots. Elle me réitère sans vergogne son invitation à m’inscrire dans le processus de dénigrement systématique de ma transidentité. 
Ne voulant pas, dans cet exode dégradant, venir grossir les rangs des pauvres hères attendant qu’un hypothétique Moïse de la psychiatrie m’ouvre la mer Rouge… de la honte, je décline l’invitation. Je la remercie pour son « charmant accueil » et lui fais part de ma détermination à me passer de ses services ainsi que ceux de son équipe.
Elle s’en fout, elle est fonctionnaire, elle débauche à 16h30 et ne veut pas rater « Question pour un champion » avec l’inénarrable Julien.  
Je tourne mes hauts-talons, referme la porte derrière moi et pleure les larmes de mon corps que j’avais contenues jusqu’alors.  
Retour bien difficile à la case départ. Je me sens profondément humiliée. La dépression guette. Je dois me reprendre. Rassembler ce qu’il me reste de volonté et ne pas décevoir les quelques rares personnes qui me soutiennent. Il faut avancer. J’ai la rage au coeur.  

Demain est un autre jour. Je rentre chez moi avec cette pensée.

Oui, demain est un autre jour.
 

Lundi 22 septembre 2003 (jour 251)  
Par acquis de conscience, je rappelle le gynéco G. à qui je fais part de ma rencontre avec la psy.
 
Il me répond qu’hélas il ne peut plus m’aider, prétextant que de nouvelles directives administratives depuis notre dernier entretien, lui interdisent d’interférer sur les prérogatives des équipes spécialisées. 
Elle avait donc raison Sœur sourire !  
Je me saisis de l’annuaire et contacte systématiquement les gynécos et endocrinologues de Tours et d’Orléans en prenant soin d’expliquer ma démarche. Je parviens à  joindre le tiers d’entre eux.  
Refus polis, sauf un rendez vous décroché… en mars 2004 ! Je me sens vraiment comme une pestiférée ! Il me faut trouver une autre solution. Absolument.  

Mardi 23 septembre 2003 (jour 252)  
Je me souviens d’Angéla ma copine Brésilienne et la contacte aussitôt. Elle me donne les coordonnées d’un médecin à Paris. Je m’empresse de le contacter. Rendez-vous est pris. Génial ! Que n’y avais-je pensé plus tôt ? Quelle sotte !  

Lundi 06 octobre 2003… à 13h30 (jour 265)  
Rendez-vous avec le docteur G. à Paris.  
Après m’avoir écoutée attentivement, il déclare bien vouloir m’aider, me pose peu de questions de santé et me prescrit des examens de sang, préalable au traitement. Il me fixe un second rendez-vous.  

Jeudi 23 octobre 2003… à 13h30 (jour 282)  
Rendez-vous avec le docteur G. à Paris.  
Les examens sont satisfaisants. Le docteur m’annonce qu’on va pouvoir commencer le traitement.  
Il me prescrit pour commencer deux comprimés par jour d’Androcur 100.
On se revoit dans 3 mois. Retour à la maison sur un petit nuage. 
Nul besoin de champagne, ça pétille dans mes yeux et dans mon cœur.  

Samedi 25 octobre 2003… à 09h00 (jour 284)  
Rendez-vous avec le docteur T. mon généraliste traitant. Je fais mon coming out. Il n’est pas trop étonné. Il est ravi de faire enfin connaissance avec Samantha et me propose de m’appeler ainsi désormais. Ben oui…  
Je lui fais part de la prescription d’Androcur 100. Il trouve la dose un peu forte à priori et attire mon attention sur les effets secondaires de ce médicament.  

Mardi 28 octobre 2003 (jour 287)  
Je suis curieuse d’en savoir un peu plus long sur la prescription d’Androcur 100.  
J’interroge une association Parisienne trouvée sur Internet. 
Mon correspondant est hésitant, mais m’indique que c’est à priori un médicament couramment prescrit en dépit d’une réputation controversée.  
Je ne me sens ni très avancée, ni rassurée.  
Je trouve un nouveau site sur le Net : Support Transgenre Strasbourg.  
Ce site propose une foule d’informations pratiques et de surcroît vécues par les personnes transgenre qui l’animent.  
Le discours est clair, sans fioritures. Du concret, rien que du concret.
Je trouve un contact téléphonique ; J’appelle…pas disponible. Je laisse un message avec mes coordonnées. J’adresse aussi un email sollicitant un avis sur la prescription d’Androcur. La réponse arrive très vite et me conforte sur mes doutes. Cornelia, ma correspondante, se révèle fort bien documentée. Je me sens d’instinct en confiance. Cornelia me communique les coordonnées d’un Endocrinologue de sa région et me donne au passage quelques conseils précieux. Quelques échanges d’emails fructueux me font concrètement avancer bien plus que je ne l’avais fait, seule depuis plusieurs mois !  

Vendredi 31 octobre 2003 (jour 290)  
Je contacte le docteur D. Rendez-vous est pris.
J’avise Cornelia de ma démarche et la remercie de son aide.
 

Samedi 08 novembre 2003… à 13h30 (jour 298)
Rendez-vous avec le docteur D. Endocrinologue dans la région de Strasbourg.  
1500 Kms de route aller retour. Pour exister il faut aimer les voyages ! 
Moi les voyages, ce n’est pas mon truc mais je veux exister !  
Comme d’habitude j’arrive très en avance. Le docteur D. accepte de me recevoir plus tôt que prévu à 10h30. Il lit attentivement tous les examens et radios que j’ai pu rassembler et mettre à sa disposition.  
Il me prescrit de nombreux examens que ne m’avait pas demandés l’autre médecin, notamment une radio du foie et une IRM cérébrale.  
Au vu des analyses récentes, il me prescrit à faible dose pour commencer, de l’Estreva Gel (Estradiol) et de l’Estima Gé (Oestrogène) que Cornelia m’avait préalablement préconisés.  
A réception des analyses complémentaires, il adaptera le traitement.   
Compte tenu de l’éloignement, il accepte de me suivre à distance (prescription d’examens sanguins + THS) mais souhaite me rencontrer au moins une fois par an pour un bilan complet.   
Satisfaite, heureuse, je fais le voyage retour sans trop sentir ma côte fêlée 48 h auparavant.  

Mardi 11 novembre 2003 (jour 301)  
Je prends ma première dose d’Estreva Gel…  
Je signe l’armistice avec mes tourments d’hier.  

Mardi 27 janvier 2004 (jour 378)  
Visite annuelle à la médecine du travail.  
Coming out. Le médecin en prend acte et me suggère de ne pas trop tarder à en parler à l’employeur. Il me propose son écoute au cas où j’aurais besoin d’un soutien.  

Vendredi 06 février 2004 (jour 388)  
Je fais une jolie rencontre… trop brève. J’aimerais beaucoup revoir cette personne.  

Mercredi 11 février 2004 (jour 393)
Entretien individuel avec ma Direction qui me propose une poste de management d’une équipe.  
Prise au dépourvue, je demande un délai de réflexion. Impossible d’accepter cette offre sans que ma Direction ait toutes les cartes en main. Impossible donc de reculer un coming out envisagé pour plus tard et sans savoir précisément quand. Sans réfléchir plus, je sollicite un rendez vous avec mon DRH à cet effet. Nous prenons date.  
Etrange sentiment que celui-là. J’imagine que nous rêvons toutes d’être un jour admises et reconnues dans notre milieu professionnel.  J’ai longuement réfléchi à cet instant sans trop oser concrètement l’imaginer.  
Cette étape si inquiétante, combien d’entre-nous hésitent à l’aborder tant les risques semblent importants ? 
Je n’ai plus le loisir de me poser ces questions. Je dois désormais assumer. En m’affichant androgyne au bureau, j’ai volontairement semé le grain. Prolifique ou calamiteux, le temps de la récolte est venu.  

Mardi 17 février 2004 (jour 399)  
Rendez-vous avec mon DRH. Objet : Coming out professionnel.  
Gorge nouée, je décline peu à peu ma transidentité. Je sens dans le regard de mon interlocuteur, une écoute attentive et compréhensive qui me rassérène.  
L’entretien tant redouté se déroule plutôt bien. On avait en effet noté mon « évolution »…  Le DRH prend note et m’assure de son soutien à mon égard. Il me remercie de ma démarche qui présente l’avantage de la clarté. L’évolution équivoque de mon look interpellait et des bruits divers circulaient défavorablement à mon propos.  
Il en parlera au PDG qui n’opposera pas d’objections selon lui.  
Il me propose de mettre à profit mon absence pour une intervention chirurgicale programmée, afin d’informer officiellement le personnel de mon changement de genre. Je pourrai ainsi revenir au bureau librement en femme dès ma guérison. Il me précise que mon cas donne à l’entreprise l’occasion d’un challenge intéressant : démontrer son aptitude à la tolérance pour une personne affichant volontairement et librement sa différence.  
Je sens toute la pression accumulée de ces derniers mois et plus encore de ces derniers jours, retomber soudainement. Je revois défiler en quelques secondes toutes ces années de tourments. Je pense à Maman, à Cornelia et aux rares personnes qui localement m’ont soutenue.
Une immense bouffée d’émotion me submerge. Je balbutie quelques mots de remerciements.  

Vendredi 20 février 2004 (jour 402)  
Je croise le P-DG qui accepte de me recevoir. Il me remercie à son tour de cette clarification de mon identité de genre et souhaite la bienvenue à Samantha. 
Mon nouveau statut ne lui pose pas de problème particulier quant à son offre initiale de poste. Je lui fais remarquer que cela suppose une exposition permanente à l’extérieur de l’entreprise.
Il me dit n’avoir pas d’état d’âme à confier cet emploi à une personne expérimentée, fût-elle transgenre. Je le remercie et prends congé, la tête dans les étoiles…  

Samedi 21 février 2004 (jour 403)  
Confirmation que je fais probablement une belle et tendre rencontre.  

Mercredi 25 février 2004… à 12h00 (jour 407)  
L’ensemble du personnel de Tours est invité à une information générale.  
Je suis censée avoir quitté mon bureau sur instructions du DRH, mais j’ai un peu de retard dans mes dossiers.
De mon bureau, je vois le personnel converger par grappes vers la grande salle de conférence… Sentiments confus, je ne réalise pas tout à fait ce qui m’arrive ; cela me semble irréel.  
Quelques minutes plus tard, C. passe pour la dernière fois la grille de sortie.  

Lundi 22mars 2004 (433ème jour)

Pour la première fois, Samantha entre dans sa Société… heureuse, fière et libre… Cette date marque l’enterrement définitif de ma vie de garçon.

 

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Dans sa première version, l’histoire s’arrête là.
A partir de ce 22 mars 2004, je n’ai plus rien noté d’aussi précis chronologiquement. 
Emportée dans les sables mouvants de la vie, des moments heureux et douloureux se sont succédés.  
Je vais néanmoins essayer de démêler le fil des événements survenus depuis...
 

Suite et fin de l’histoire : 

Les phases de transition sont des instants délicats et précaires.  

Au bureau, j’ai été majoritairement bien acceptée. Avec son lot épars d’intolérants qui ne veulent pas dire leur nom. Mais ceux-là, comment reconnaîtraient-ils ma valeur, eux que les préjugés aveuglent plus que le soleil lui-même ? Il y a des signes qui montrent que l’humanité a encore quelques menus progrès à faire…  
Concentrée sur mon travail, je ne réagis pas à ces messages déplaisants ; si je le faisais, je me laisserais submerger dans un océan d’émotions négatives.  

La majorité a néanmoins bien vécu ce changement. On m’appelle Samantha. Ceux que ça gêne ne m’appellent pas et je ne les appelle pas non plus. D’aucuns préfèrent m’appeler « Sam ». Sans doute cela les rassure-t-il : Sam est un prénom mixte. C’est leur problème et surtout pas le mien, bien au contraire.

En russe, Sam est un nom très courant qui signifie « Moi-même ».  

Jeudi 15 Avril 2004 :
La rupture sentimentale me blesse d’autant plus que la rencontre avait été belle, fulgurante, passionnelle.  
Chagrin. Dépression.  

Début Mai 2004 :
Séjour à l’hôpital.  

Mi-mai 2004 :  
Mon entretien avec la psychiatre des équipes officielles m’a laissé un goût amer. J’éprouve néanmoins pour la première fois de ma vie l’absolue nécessité de faire appel à un spécialiste. J’espère infiniment qu’il m’aide peut-être à m’éclairer, en guidant la compréhension de mes émotions et en me faisant recouvrer force et confiance en moi. 
Au bénéfice d’un désistement, je décroche un rendez-vous pour fin mai chez le Dr R. psychiatre.  

Fin mai 2004 :
Je suis enfin face au Dr R. Le ressentiment accumulé chez sa consœur parisienne ne laisse pas la place à un premier contact bien avenant de ma part. Oubliant ce qui motive ma visite, d’emblée je lui fais part de mes griefs à l’égard de ses confrères. Gentiment, patiemment, elle me recadre. Je la regarde enfin plus attentivement et je l’écoute.  
C’est une jeune femme dont les yeux contiennent énormément de tendresse et de sagesse à l’endroit des êtres humains. Elle m’en apportera la preuve tout au long des années qui suivront. Au terme de ce premier entretien, je m’aperçois que je rencontre une tolérance et une reconnaissance de ma transidentité tout à fait inattendues. Elle n’y a pas fait allusion et m’a tout de suite appelée Samantha avec un naturel très touchant.  
Elle établit même ma feuille de soin en omettant mon identité officielle.  
De progressions sensibles en fortes régressions, de journées apparemment sereines en nuits passées à hurler de chagrin, plus de trois longs mois de travail introspectif m’ont été nécessaires pour retrouver un équilibre encore précaire.   
Je ne crois pas pouvoir jamais guérir de ces trop profondes lézardes affectives liée à mon enfance. Tout au plus en suis-je consciente à présent, et pourrai-je, le travail aidant, être mieux préparée, plus tard, à la maîtrise de mes émotions.  
L’apaisement aidant, nous avons espacé nos rendez-vous. Nous n’avons jamais évoqué ma transidentité que comme une évidence dans ma vie. Le Dr R a simplement eu la gentillesse de m’aider chaque fois que nécessaire (attestations de suivi), pour faciliter mes démarches avec la CPAM, puis mon chirurgien, enfin mon avocat.  
Nos entretiens ont pris fin en mai 2007.  
Une personne transgenre a passé trois ans de suivi auprès d’une psychiatre exceptionnelle, sans jamais avoir été considérée comme une personne à soigner de sa transidentité, sinon de ses blessures d’enfance et de ses peines de cœur…  
Merci Christine, car c’est ainsi que très vite je vous ai nommée.  
Jamais je ne vous oublierai.  

Samedi 12 juin 2004 :  
Première rencontre avec Patricia, loin de Tours hélas… Nous nous reverrons quelquefois. Nous nous écrirons beaucoup et sa tendre présence amicale me sera  particulièrement précieuse.
 

Depuis le tout début de ma transition j’avais ajouté mon prénom féminin sur ma boite aux lettres et je me faisais adresser des courriers commerciaux ou administratifs sous cette identité.  
Le cumul de ces courriers ajouté au témoignage de deux amies, m’ont permis de me faire établir un acte de notoriété dès le
8 octobre 2004.
Dès lors, cet acte m’a permis de me faire reconnaître officiellement sous statut féminin auprès de :  
-         Services des Impôts  
-         Opérateur téléphonique  - Opérateur télé  
-         Carte Bleue et Chéquier  
-         Mutuelle  
-         Assurance auto  
-         Edf  
-         Service des eaux  
-         Syndic de copropriété  
-         Permis de conduire… Etc.  
Et…  
J’ai obtenu de me faire établir une carte Vitale au nom de Samantha PAUL, ainsi que l’envoi de tous mes courriers sous cette identité.  

Depuis le 22 mars 2004, je suis reconnue dans ma Société. La présentation de mon acte de notoriété me permet de faire ajouter « Samantha » dans la rubrique nom de mes feuilles de paie. C’est toujours ça de pris. 

Samedi 04 Décembre 2004 : Première rencontre avec Sarah (voir page « Transition de Sarah ») 

Mercredi 27 avril 2005 :  
Je fais changer ma carte d’identité qui porte désormais la mention « Dite Samantha » dans la rubrique prénom.
 

Juillet 2005 :
Rendez-vous avec mon Avocat. Première prise de contact en vue de présenter une requête auprès du Tribunal de Grande Instance de Tours, pour mon changement d’état civil.
 

Septembre et Octobre 2005 :  
Préparation du dossier.
 

Octobre 2005 : 
Remise du dossier à mon Avocat.  

Lundi 07 Novembre 2005 :  
Dépôt de ma requête auprès du Tribunal de Grande Instance de Tours. 
A partir de ce jour, je ne suis qu’attente…
 

Jeudi 09 Mars 2006 :
Convocation en première audience.
Etant à l’étranger (cf. Transition de Sarah) je demande le report.
 

Jeudi 04 Mai 2006 :  
Nouvelle convocation en première audience.  
C’est la toute première fois de ma vie que j’assiste à une plaidoirie dans un tribunal. De surcroît, c’est de moi qu’il est question…  
Quelle solennité !  
Tous ces hommes qui portent fièrement épitoge et robe noire.  
C’est du plus bel effet…  
Pour ma part, je suis venue en pantalon. Ironie !  
Je suis seule, sur un banc, non loin de mon défenseur.  
Le juge me jauge. Ses assesseurs itou.  
Mon avocat a bien travaillé. Sa plaidoirie me semble bien argumentée.  
Sans s’opposer sur le fond, le Ministère Public suggère la mise en œuvre d’une expertise… Il me plombe un peu l’ambiance.
 

Vendredi 06 Juillet 2006 :  
Jugement :  
Le juge a suivi l’avis du Ministère public. Il veut s’assurer de la pertinence de ma requête et missionne deux experts.

Septembre 2006 :  
Désistement d’un expert…retard.
 

Octobre 2006 :  
Un nouvel expert est missionné.  

Jeudi 22 novembre 2006 :  
Convocation à l’expertise…  

Jeudi 01 Février 2007 :  
Rapport d’expertise rendu au tribunal de Grande Instance de Tours : Favorable.  
L’avocat est optimiste. Le jugement interviendra désormais très vite selon lui. 
Je demeure prudente. 

Vendredi 13 Juillet 2007 : 
Je m’inquiète de la non-réponse depuis plus de cinq mois.  
L’avocat m’apprend la défection d’un juge pour raison de santé.  
Répartition des dossiers sur les trois autres juges.  
Conséquence : Délais prolongés.
 

Jeudi 04 Octobre 2007 :  
Dossier mis en délibéré. Lecture du rapport d’expertise.  
Mon avocat est optimiste. Le jugement aura lieu le 8 novembre 2007.
 

Jeudi 08 Novembre 2007 (Jour 1757) :  
Jugement :  
Mon avocat ayant dû plaider ce jour-là dans une autre ville, a chargé une de ses consœurs d’aller prendre connaissance du jugement.  
Toute la journée, la main posée sur mon portable, je ne suis qu’attente…  

Ce n’est qu’à 17h45 que j’obtiens la réponse par l’entremise du secrétariat en ces termes: « Le dossier vous concernant a reçu une réponse favorable du tribunal ». Je n’ai pas ri de ce bonheur-là. J’en ai pleuré.  

Je me souviens : A la naissance de ma sœur, ma grand-mère courait à travers notre village, du mieux que ses pauvres jambes le lui permettaient, criant à la volée : « C’est une fille, c’est une fille ! »  
Quelques décennies plus tard ma chère grand-mère, c’est une autre fille qui vient au monde beaucoup plus discrètement…  

Certes, je ne suis qu’un rajout dans la marge de mon acte de naissance. 
Mais au fond de moi, c’est en pleine page que je suis Samantha, en lettres d’or. Na ! 
 

Lorsque je me retourne vers ces années passées, je vois défiler le ruban d’une vie. La mienne. Et j’y tiens à ce ruban, même un peu froissé par la tristesse. Parce que c’est le mien et qu’il me relie à ceux que j’ai aimés : Ma famille. Celle qui n’a plus trop voulu de moi. 
J’ai écris cette histoire en pensant bien sûr aux personnes transgenre.
Mais j’aimerais tant aujourd’hui, ces mots étant posés sur le papier, que ma famille sache et me comprenne mieux.  

Sarah habite loin de Tours. 
Elle s’est déplacée ce 08 novembre 2007 pour me soutenir de toute sa tendresse.  
Elle a toujours cru à cette issue favorable. Bien avant moi.  
Elle savait que j’avais achevé de gravir la montagne et que désormais elle pourrait m’accompagner dans ma descente vers la plaine apaisée de mes proches vieux jours.  

Outre Sarah, cette transition m’a apporté de bien jolies rencontres.  
Patricia ma douce amie, Christine, Cornelia, Odile, Claire, Sandrine, Denis, Francis, Dr B., merci du fond du cœur.  
Merci à vous tous qui, à des moments cruciaux de ce parcours, m’avez apporté la générosité du cœur pour m’insuffler la force de continuer.  

En ces instants de bien-être qui suivent cet événement, je ferme les yeux, attentive aux battements de mon cœur, à cette vie qu’il m’a fallu chercher et qui circule enfin en moi.  

D’autres luttes à venir. D’autres peines sans doute. D’autres joies peut-être.
La vie. La vie qui continue. 
Demain est un autre jour…
 
   

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« Quand on veut une chose, tout l’Univers conspire à nous permettre de réaliser notre rêve. » 
Paulo Coelho

 

 

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© Samantha Paul, le 1er Novembre 2007 - Tous droits réservés ETT37